La Pierre philosophale
[1942]
La Pierre philosophale
[1942]
Ámbito | Dessin |
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Técnica | Mine graphite et pastel à la cire sur papier |
Medidas | 58,3 x 73,6 cm |
Adquisición | Achat, 1985 |
Inventario | AM 1985-45 |
En cartel:
Información detallada
Artista |
Matta (Roberto Sebastián Antonio Matta Echaurren Matta Echaurren, dit)
(1911, Chili - 2002, Italie) |
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Título principal | La Pierre philosophale |
Fecha de creación | [1942] |
Ámbito | Dessin |
Técnica | Mine graphite et pastel à la cire sur papier |
Medidas | 58,3 x 73,6 cm |
Inscripciones | Tampon sec au recto, en bas à gauche : Strathmore use either side. Titré en bas à droite au revers : La Pierre Philosophale / St-1264 / Telesona du Soleil et de la Lune / (Foyers de peur). Non signé, non daté |
Adquisición | Achat, 1985 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1985-45 |
Análisis
Les recherches menées par Roberto Matta d’une « Mathématique sensible, Architecture du temps » (telle était sa contribution à la revue Minotaure, n° II, 1938) – constituent sans doute un apport suffisamment novateur pour qu’aussitôt André Breton, alerté par Dalí, associe le jeune Chilien à l’« Exposition internationale du surréalisme » de la galerie des Beaux-Arts, le considérant comme un nouvel espoir susceptible de relancer la cause. Trouver les termes graphiques de nouveaux territoires spatio-temporels « sensibles », dits « psychologiques », est en effet un projet inédit. « Il s’agit », propose Matta, « de découvrir la manière de passer entre les rages qui se déplacent dans de tendres parallèles, des angles mous et épais ou sous des ondulations velues au travers desquelles se retiennent bien des frayeurs […]. Il nous faut des murs comme des draps mouillés qui se déforment et épousent nos peurs psychologiques ».
Architecture psychologique, arbres volants, le titre même de cette feuille dessinée à la pointe précise de l’architecte (Matta sort d’une suite d’apprentissages auprès de Le Corbusier, Gropius, Moholy-Nagy, Aalto), est révélateur de l’exploration d’espaces inconscients qui mobilise pleinement le jeune artiste, arrivé à New York fin 1939 et fasciné aussitôt par Marcel Duchamp. S’y déploie ce que Matta appelle un inscape : un espace des pulsions du désir, une topographie des forces de l’inconscient – un champ intérieur balayé de membranes en formation et en suspension, traversé d’un réseau labyrinthique de lignes auxquelles s’accrochent, comme autant de cristallisations métamorphiques, des éléments mobiliers en latence ou en fusion que Matta appelle « morphologies psychologiques ». Les qualités du dessinateur (peut-être plus dessinateur que peintre) s’affirment dès cette date. Tracés acérés et aigus du crayon graphite, éclats de couleurs incandescentes de la craie ou du crayon gras, estompes plus lourdes donnant une sorte de lumière noire et métallique : le geste graphique est rapide, assuré de tous ses effets. L’alchimie des formes et des matières en fusion opérée dans ce dessin « chaoscosmique » – Matta se livre également à de multiples jeux de mots, à des calembours incessants – va définir désormais l’univers de fiction des peintures de l’année 1941-1942 : Locus Solus, L’Année 44, Years of Fear. Sa pratique du dessin, énergétique, instinctive, qui relève de cet « automatisme absolu » auquel Breton fera encore appel en 1943 dans son troisième Manifeste, l’impose aussitôt comme un passeur entre les surréalistes français et la jeune génération américaine : Kiesler, Baziotes, David Hare, Pollock, De Kooning, Motherwell et Gorky. Avec ce dernier tout particulièrement, Matta partage l’investigation – jamais abstraite – d’espaces telluriques en latence et traversés de pictogrammes biomorphiques, et une remarquable dextérité graphique.
La fiction figurative, qu’il développe en grandes gestes, se précise bientôt à l’excès, dans l’œuvre graphique plus encore que dans l’œuvre pictural : dans les trois beaux dessins des années 1941-1942 de la collection – L’Antéchrist, La Pierre philosophale et Les Délits –, Matta délaisse les structures spatiales pour une constellation de petites scènes figuratives en suspens dans l’espace, figures de science-fiction aux postures violemment conflictuelles et érotiques. Leur apparence quasi transparente laisse prévoir l’apparition de la figure du Vitreur qu’il invente, « nouvelle image de l’homme » tirée du mythe des Grands Transparents de Duchamp. Le trait de crayon s’appuie, nerveux, puissant, là où est la tension de l’acte érotique, s’allège pour en signifier la résonance dans l’espace, se dissout par frottement ailleurs. Dans Les Délits, la couleur grasse du crayon de cire rouge, étroitement mêlée au crayon graphite, comme si elle en était l’incandescence naturelle, devient le flux vital, sanguin, de l’espace. La feuille entière, à peine balayée d’éclairs au crayon, définit un champ spatial sensible, cristallisé en éclats stridents comme des décharges électriques.
Fin 1944, il reviendra à Matta, porteur de l’espérance en de nouveaux mythes, d’accompagner la publication d’ Arcane 17, d’André Breton. Rédigé pendant un voyage en Gaspésie avec Elisa, ce texte cristallin de l’exil américain est un hymne à la liberté, à l’amour et à la poésie ; s’y reflètent une méditation sur la mort et la guerre, et l’espoir dans le destin humain, symbolisé par les agates phosphorescentes de la presqu’île de Percé. Tout en réalisant pour l’édition de luxe du livre quatre gravures représentant les quatre lames du tarot, Matta conçoit le grand dessin-affiche qui en annonce la parution chez le libraire new-yorkais Brentano, et qui ornera début 1945 la vitrine du Gotham Book, conçue par Marcel Duchamp et Enrico Donati pour la parution de la nouvelle édition du Surréalisme et la Peinture de Breton. Dans un réseau arachnéen de lignes lancées comme des lassos, ponctué d’agates rouges, s’exaspère un couple d’humanoïdes violemment enlacés : en cette fin 1944 où l’Europe est à feu et à sang, Éros et Thanatos s’imposent comme principes premiers introduisant à la vie mythique.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008