Skip to main content

Focus sur... « La Mariée » de Niki de Saint Phalle

Épouse, génitrice, dévoreuse d'enfants, putain ou sorcière : entre 1963 et 1964, Niki de Saint Phalle crée une série d'œuvres qui fustigent les différents statuts assignés à la femme. Grande poupée triste vêtue d'une robe d'apparat, La Mariée semble porter le fardeau de son devoir en poussant un cri de désespoir. D'innombrables éléments agglutinés dans le plâtre confèrent au personnage une tonalité à la fois grinçante et burlesque.

± 4 min
C'était une gigantesque mariée vêtue de blanc. Et même, plus que cela, c'était une mariée entièrement blanche, ou plutôt grisâtre, argileuse, depuis la base de son énorme robe plissée jusqu'à la masse filasse de ses longs cheveux raidis, en passant par le bouquet qu'elle serrait contre sa poitrine.
Thomas Schlesser, Les Yeux de Mona (2024)

En 1963 et 1964, se souvenant de sa mère prisonnière d’un système de valeurs contre lequel elle ne s’était pas révoltée, et alors qu’elle-même fut très tôt épouse et mère, Niki de Saint Phalle conçoit dans l’ancienne Auberge du Cheval blanc à Soisy-sur-École, où elle vit avec Jean Tinguely, une série de travaux qui fustigent les différents statuts sociaux de la femme : femme mariée, mère qui accouche, dévoreuse d’enfants, putain ou sorcière… Si certaines de ces représentations font encore corps avec le support-tableau, très rapidement elles prennent leur autonomie et sortent de la surface.

 

Grande poupée triste vêtue d’une robe d’apparat, La Mariée, un bouquet au bras, semble porter le fardeau de son devoir en poussant un cri infini de désespoir. D’innombrables éléments agglutinés dans le plâtre – poupées, baigneurs en plastique écartelés, bouquets de fleurs artificielles, objets de pacotille – donnent une tonalité à la fois grinçante et burlesque au personnage, à travers lequel sont mises à mal la symbolique de la pureté et la vision romantique traditionnellement associées à l’image de la mariée.

 

Souffrante et pathétique, la figure de la mariée exprime la révolte de l’artiste contre toute forme de règle, de hiérarchie et de tabou et semble annoncer la fin de la domination masculine.

 

D’autres éléments lui sont parfois associés : le cheval sur lequel elle monte en amazone (Le Cheval et la mariée, 1963-1964) ou un arbre sous lequel elle s’abandonne au sommeil (La Mariée sous l’arbre, 1963-1964). Souffrante et pathétique, la figure de la mariée exprime la révolte de l’artiste contre toute forme de règle, de hiérarchie et de tabou et semble annoncer la fin de la domination masculine. ◼