Skip to main content
Portrait de la réalisatrice Ovidie par Christophe Crénel

Le Centre Pompidou &... Ovidie

Elle se définit comme une féministe « pro-sexe ». En tant qu'actrice, elle a voulu questionner la place de la femme dans le porno. Puis sa réflexion s'est poursuivie en tant que réalisatrice, notamment de documentaires, mais toujours autour de la sexualité et de ses représentations. À plusieurs reprises invitée par la Bibliothèque publique d'information, Ovidie a sorti en 2023 La chair est triste hélas, édité par Vanessa Springora. Rencontre.

± 5 min

« Hardeuse » : elle n'aime pas ce terme qui lui a longtemps collé à la peau. Depuis ses débuts dans le « X », genre cinématographique qu'elle a aussi exploré en tant que réalisatrice pour des pornos féministes, Ovidie poursuit sa réflexion sur les représentations et les stéréotypes de genre. En littérature comme sous d'autres formes – le documentaire étant devenu son terrain de prédilection. Prostitution, maternité, mais aussi cyberharcèlement, ses récents travaux, remarquables, se nomment Là où les putains n'existent pas (2018), prix Amnesty International, ou Tu enfanteras dans la douleur (2019). En 2020, Ovidie, déjà docteure en lettres, obtient sa thèse de cinéma. Le thème ? L'auto-narration. En 2023, elle a sorti un livre, édité par Vanessa Springora chez Julliard, La chair est triste hélas. Invitée régulièrement par la Bpi (en 2014 pour un colloque de réflexion autour des économies du sexe et en 2021 pour le cycle « Le féminisme n'a jamais tué personne »), Ovidie partage son lien avec le Centre Pompidou. 

« La première fois que j’ai entendu parler du Centre Pompidou, c’était par ma professeure d’arts plastiques, au début des années 1990. C’était une époque où, en province notamment, ce bâtiment était encore perçu comme une forme de "décadence parisienne ". Ma prof a même parlé "d’abomination architecturale ", et cela m’a marquée. Moi, je n’en pensais pas grand-chose je crois, les tubes, ça avait quelque chose de plastique… Cela m’a fait la même impression lorsque je l’ai vu en vrai, à mon arrivée à Paris, fin des années 1990 et début des années 2000. J’ai d’ailleurs longtemps habité dans le quartier, vers le métro Arts et Métiers, je passais alors presque tous les jours devant.  

 

La première fois que j’ai entendu parler du Centre Pompidou, c’était par ma professeure d’arts plastiques, au début des années 1990. C’était une époque où, en province notamment, ce bâtiment était encore perçu comme une forme de "décadence parisienne".

Ovidie

 

Dans les années 2000, mon rapport avec le monde de l’art contemporain n’était pas forcément serein. On était dans un moment un peu curieux, où les mondes de la mode, avec le « porno chic », et de l’art contemporain, tentaient de s’emparer des codes de la pornographie pour les réinjecter dans des formes d’art légitimées. Au cinéma également, il y avait des passerelles entre les genres, comme avec Baise-moi de Virginie Despentes, ou Romance X de Catherine Breillat, ou même Le Pornographe de Bertrand Bonello dans lequel j’ai joué ; en littérature on avait Catherine Millet, Nelly Arcan ou Ann Scott… Et en art contemporain, les œuvres de Jeff Koons avec la Cicciolina se vendaient à des prix stratosphériques. Il y avait partout cette volonté de légitimation des images explicites. Tout le monde rêvait de faire son œuvre « post-porn », et de surfer sur le succès de Koons. Bref, c’était une sorte de mode, et du coup, travaillant à cette époque dans le monde du porno, j’étais sursollicitée par le milieu de l’art, on essayait de me traîner à la Foire internationale d'art contemporain (Fiac), etc.

 

J’ai passé beaucoup de temps dans les salles obscures du niveau – 1 [...]. Je crois qu’en fait je me sens plus à l’aise à l’ombre qu’à la lumière, avec les touristes et le côté clinquant du Musée. Ce doit être mon côté underground ?

Ovidie

 

J’avais tendance à prendre tout ça en grippe, et j’ai mis pas mal de temps à me réconcilier avec le Centre Pompidou. Je suis peu allée à des expositions dans les étages, sauf quand on m’y a traînée. Je n’aime pas trop l’idée d’aller obligatoirement à une expo parce qu’il faut y avoir été, et le dire absolument. Ce n’est pas mon truc. En revanche, j’ai passé beaucoup de temps dans les salles obscures du niveau -1, pour des projections de documentaires, et les rencontres avec les auteurs. J’ai notamment des souvenirs de films de Jean-Gabriel Périot. Je crois qu’en fait je me sens plus à l’aise à l’ombre qu’à la lumière, avec les touristes et le côté clinquant du Musée. Ce doit être mon côté underground ? ». ◼