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Bob Wilson, « Einstein on the beach, storyboards 1-13 », 1975

Focus sur... le storyboard de Robert Wilson

Reconnu comme l'une des réalisations les plus révolutionnaires du 20e siècle, l'opéra Einstein on the beach conçu par l'artiste Robert Wilson et le célèbre compositeur Philip Glass avait lancé ses créateurs vers un succès international lors de sa création en 1976. En 2014, le Centre Pompidou accueillait treize dessins du storyboard réalisé par Robert Wilson au sein de sa collection. Focus sur les précieux témoins de la genèse d'une œuvre singulière.

± 5 min

En 1976, Robert Wilson s’associe au compositeur Philip Glass pour concevoir Einstein on the Beach, opéra d’emblée reconnu comme « l’œuvre scénique la plus importante du 20e siècle », selon Susan Sontag. Cette pièce a propulsé ses deux auteurs sur le devant de la scène artistique internationale.

 

Robert Wilson et Philip Glass partagent une admiration pour les collaborations conduites par John Cage, Merce Cunningham, Jasper Johns et Andy Warhol. Au milieu des années 1970, tous deux sont déjà engagés dans un processus d’épure qui leur permet d’inventer de concert cette œuvre d’art totale. Einstein on the Beach déroge aux règles conventionnelles de l’opéra. Le choix de la figure d’Einstein naît de la fascination de Wilson pour le physicien.

Adoptant une forme non narrative, composée de quatre actes ponctués de cinq interludes, l’œuvre juxtapose une série puissante d’images et des séquences dansées chorégraphiées par Andy de Groat et Lucinda Childs. Philip Glass remplace l’orchestration traditionnelle par une composition pour synthétiseurs, bois et voix. Certaines thématiques liées aux recherches du physicien Einstein sont évoquées à travers des tableaux d’une esthétique révolutionnaire : des images oniriques épousent les changements très graduels de la musique et des mouvements chorégraphiés pour former une œuvre bouleversant la perception de l’espace et du temps. Témoignage essentiel de la genèse de cette œuvre majeure et du dialogue développé par Wilson et Glass, le storyboard – composé de treize dessins sur papier – est entré en 2014 dans la collection du Centre Pompidou, grâce à la générosité de Christel et François de Wendel.

Les lignes diagonales et orthogonales viennent scander l’espace, renforcer les zones de noirs profonds et de blancs atmosphériques, soulignant le rôle scénique central de l’ombre et de la lumière dans l’univers de Wilson. La lumière isole, inonde, nimbe, aveugle, génère l’espace. Des rayons rappellent les zips déchirant la peinture de Barnett Newman qu’admire Robert Wilson. Le vocabulaire visuel est dépouillé, organisé selon une sensibilité cinétique. Un train semble surgir de l’espace, un vaisseau spatial plane dans le crépuscule, des tours vacillent dans le vide, de fines silhouettes humaines se détachent sur l’horizon sans fin.

 

En d’infimes variations, dessin après dessin, le temps se déploie, libéré. Un temps que Philip Glass compose en une infinité de pulsations et modulations mélodiques.

 

 

Ce storyboard apparaît comme une œuvre sérielle. En d’infimes variations, dessin après dessin, le temps se déploie, libéré. Un temps que Philip Glass compose en une infinité de pulsations et modulations mélodiques. Les dessins de Wilson qui rendent sensibles les concepts de la technologie, de la compression et de l’extension du temps, de l’apocalypse nucléaire, forment la trame de la première et plus longue partition d’opéra de Glass, qui « compose chaque section au piano comme un portrait de chaque dessin » (Laurence Shyer, Robert Wilson and his collaborators, Theatre Communication Groups, 1989). ■