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« La Lettre » de Maurice Lemaître, 1962-1978 - couverture

Maurice Lemaître, l'agitateur du lettrisme

Pionnier du cinéma expérimental, Maurice Lemaître (mort en 2018) est l’une des figures du lettrisme, avant-garde littéraire et poétique née au mitan du 20e siècle. Compagnon de route du fondateur Isidore Isou, Lemaître n’aura cessé de poétiser le quotidien sur tous les formats : photographie, écriture, sculpture, peinture… Mené au sein de la bibliothèque Kandinsky, un projet de recherche explore cette inventivité des pratiques performatives du langage, de l’image, des formes du spectacle dans la pratique lettriste. Présentation.

± 5 min

À l’instar d’Isidore Isou, Maurice Lemaître est un infatigable concepteur et producteur d’hypergraphies, de chorégraphies lettristes ciselantes, de films discrépants qui disloquent l’image, le son et le texte, de créations supertemporelles, et infinitésimales qui se proposent de réformer profondément les médias traditionnels, par une réflexion élargie appliquée aux arts plastiques, à la littérature, mais aussi à la pédagogie, l’économie politique, aux mathématiques, à la médecine ou bien à la psychologie.

 

Le projet de recherche « Actions d’un fanatique : code, script, performance dans l’œuvre de Maurice Lemaître », mené au sein de la bibliothèque Kandinsky et en collaboration avec l’unité de recherche Histoire des arts et des représentations de l’université Paris-Nanterre, entend explorer cette inventivité des pratiques performatives du langage, de l’image, des formes du spectacle dans la pratique lettriste à travers l’une de ses figures historiques.

La description des premières séances du cinéma supertemporel de Maurice Lemaître donne bien le ton de la nature prospective des nouvelles performances lettristes : « Le titre du film-séance qui est à l’origine de Pour faire un film, et restera tel pour l’histoire du cinéma, n’est que provisoire quant à l’œuvre elle-même, et susceptible de changement constant. » Le cadre conceptuel généré par les textes et théories lettristes des fondateurs du mouvement, Isidore Isou et Maurice Lemaître, dresse les codes d’une virtualité incessante et d’une prodigalité créatrice dans tous les domaines de l’art et du savoir.

 

Le cadre conceptuel généré par les textes et théories lettristes des fondateurs du mouvement, Isidore Isou et Maurice Lemaître, dresse les codes d’une virtualité incessante et d’une prodigalité créatrice dans tous les domaines de l’art et du savoir.

 

 

Les œuvres de spectacle et les séances de débat qui les accompagnent sont les preuves directes de permanents dépassements qui interrogent et démultiplient les média d’expression. Elles représentent un terrain d’étude pour de nouvelles approches qui réévaluent les enjeux des performances ou de séances expérimentales de projection et de leur situation de monstration, dans une archéologie des formes d’inventivité théâtrale, cinématographique, sonore et chorégraphique.

 

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À l’heure de grandes manifestations expérimentales des années 1960 et de la préfiguration des déplacements des médias, Lemaître invente plusieurs concepts et situations d’exposition provocateurs : le film-débat, les séances de discussion qui amplifient les objets de discussion, les environnements « méca-esthétiques » qui perturbent et affectent la matérialité des œuvres, les œuvres « suggérées », « effacées », « inachevées » et « infinitésimales » qui réclament, en veine conceptuelle, une participation incessante, intensive et infinie d’un spectateur aux aguets.

En prenant appui sur le corpus archivistique de Lemaître (conservé aujourd’hui par le fonds de dotation Bismuth-Lemaître), sur l’ensemble d’œuvres cinématographiques et sur les fonds archivistiques complémentaires du mouvement lettriste conservés auprès du Musée national d’art moderne, ainsi que par les activités d’autres acteurs essentiels du mouvement (François Dufrêne, Roland Sabatier, Roberto Altmann), le projet poursuit une approche génétique des formes d’écriture du spectacle lettriste : scripts, partitions, protocoles, scénarios, codes hypergraphiques, pellicules et bandes magnétiques affectées par les multiples opérations de réécriture.

 

Précurseur des « textes augmentés », il sera question d’analyser cet ensemble d’objets complexes, dans leur processus de création, en permanent déplacement et transgression : versions multiples réintégrations de textes, textes annotés, partitions phonétiques, bandes lacérées, tracts, protocoles de performance chorégraphique, bribes de scénarios.

Un deuxième volet du projet se propose d’explorer les différentes extensions de ces objets lettristes complexes dans leur dimension de spectacle. Performances « de papier », films « sans pellicule », ou ballets diagrammatiques, tableaux activés par la dimension discursive, les œuvres de Lemaître relèvent souvent du registre de la performance-recherche et de la projection-scandale et s’inscrivent dans des logiques de programmation et de projection ou le débat et la dimension participative et interactive sont essentiels.

 

Il sera donc important de revenir sur ces différentes logiques de programmation expérimentale et alternative des années 1960-1970 qui proposent des situations de participation inédites, avec la substitution des acteurs-intervenants, des pratiques disruptives et l’interchangeabilité des structures narratives et dramatiques. Enfin, il s’agit de penser également les propositions performatives de Maurice Lemaître et de ses contemporains en tant que dispositifs de transmission et de pédagogie, inscrits dans un élargissement des moyens de créativité. ◼

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Un projet soutenu par eur-artec.fr/

En collaboration avec le laboratoire Histoire des arts et des repésentations, université Paris-Nanterre