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Joseph Beuys

Fonds VII/2, 1967/1984

L’art est énergie

Des piles de feutre tassées par des plaques de cuivre sont installées dans cet espace. Deux grosses massues sont reliées par un ruban en cuivre en contact avec le sol. La composition ordonnée, les piles de feutres coupées au carré, la surface luisante du cuivre évoquent tout d’abord un dispositif plutôt qu’une œuvre, une sorte de matrice captant une énergie invisible. Les matériaux nous sont familiers : le feutre pour sa qualité protectrice et le cuivre pour sa capacité conductrice.

Fonds VII/2 (1954-1984) fait partie d’une série d’installations que Beuys développe pendant une trentaine d’années. Il la définit ainsi : « Les piles de feutre sont des agrégats, et les feuilles de cuivre sont des conducteurs. L’accumulation de chaleur dans le feutre fonctionne pour moi comme un générateur, une action statique. Tous les Fonds fonctionnent comme base ou fondement à partir duquel d’autres sculptures peuvent être produites ». Par le biais du feutre et du cuivre, l’élément conducteur, Beuys cherche ici à capter l’énergie de l’espace, tout en symbolisant le flux entre l’air et la terre, le lien entre l’extérieur matériel et l’intérieur spirituel, l’électricité et la chaleur étant l’énergie constitutive de l’être humain.


Professeur et artiste engagé

Sculpteur de formation, Beuys est fortement critiqué pour son enseignement influencé par l’anthroposophie qui met en évidence la confiance absolue en la faculté cognitive de l’homme. Dès 1967, il fonde le parti des étudiants allemands et prône déjà la démocratie directe. En 1971, dans Aktion in Moor (Action dans le marais), il se fait photographier dans le nord des Pays-Bas en train de nager dans un marais pour dénoncer l’assèchement du Zuider See transformé en polder. En 1972, il est renvoyé de l’académie de Düsseldorf pour avoir ouvert sa classe à tous les candidats volontaires. Il multiplie les performances et les actions dans l’espace public avec ses étudiants, et crée une université libre. Pour l’artiste, les êtres humains doivent retrouver leurs liens avec leur environnement naturel et spirituel, source de leur énergie, et l’art doit être vecteur de transformation sociale.

Son engagement pour l’écologie devient politique en 1979. Beuys est le co-fondateur du premier parti des Verts allemands.

Invité à la « documenta » de Cassel en 1982, il réalise avec 7000 chênes/7000 blocs de basalte la plus grande œuvre écologique déployée sur plusieurs années dans la ville de Cassel : une « sculpture sociale » dans laquelle visiteurs de l'exposition et habitants de la ville sont invités à acheter et à planter un chêne pour 5 marks. Son fils plantera le dernier en 1987, un an après la mort de l'artiste. 


Chamane ou visionnaire ?

Les matériaux choisis par Joseph Beuys – feutre, cuivre, bois, soufre, miel, graisse, os, batteries mécaniques diverses – sont utilisés comme sources d’énergies réelles ou symboliques pour établir un rapport métaphorique avec la science et les principes énergétiques qui régissent la vie et la transformation de la matière. Il s’inspire des pratiques chamaniques dans son intercession entre le visible et l’invisible, entre matière et esprit. L’art ne se limite plus à un objet esthétique, il est vecteur d’énergie, une forme vibrante qui nourrit le corps et l’esprit.

Pour Beuys, il existe en chaque individu la capacité de produire une œuvre, et dans l’art le potentiel de transformer la société. Notion omniprésente dans son travail, la « sculpture sociale » repose sur la relation entre l’activité humaine et des structures sociales, sur le postulat d’une communication indispensable entre les êtres.

 

Joseph Beuys est sans doute l’un des artistes les plus influents et parmi les plus controversés du 20e siècle. Son importance est majeure dans l'art contemporain pour avoir apporté une dimension nouvelle à la notion élargie de l’art. Il apparaît aujourd’hui comme un artiste visionnaire, ayant tenté de dénoncer et de rétablir un contrat social défectueux : la cause des étudiants et des minorités sociales, la cause environnementale et la démocratie. Sa démarche à la fois scientifique, politique, humaniste et sociale rend son œuvre, aujourd’hui plus que jamais, essentielle et éclairante pour comprendre les crises que nous traversons. 


Joseph Beuys en 7 dates

1921  Naissance à Clèves en Allemagne dans une famille de commerçants
1943  Pilote dans la Luftwaffe, armée aérienne allemande
1961  Enseigne la sculpture monumentale à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf 
1974  Création de l’Université internationale libre avec l’écrivain Heinrich Böll
1979  Engagement dans le parti des Verts 
1982  Participation à la « documenta » de Cassel avec la plantation de 7000 chênes/7000 blocs de basaltes suite aux pluies acides détruisant les forêts en Allemagne 
1986  Mort à Düsseldorf


Pour aller plus loin

Entretiens, extraits de performances filmées, analyses...

Un ensemble de vidéos à consulter sur YouTube


Présentation de Plight de Joseph Beuys (1985)

Conférence par Jean-Philippe Antoine, critique d’art,

professeur d’esthétique à Paris 8 

dans le cadre du cycle « Un dimanche, une œuvre », 9 décembre 2012


Podcast issu de la série « Un Podcast, une œuvre » : Art et utopie

Joseph Beuys, Plight, 1985

« Tout homme est un artiste », nous dit Beuys. Véritable œuvre-sanctuaire, son installation Plight est une pièce de feutre au milieu de laquelle trône un piano fermé à clé. Dans son atmosphère chaude et silencieuse, Beuys nous invite à prendre soin de nous et de la société en libérant le pouvoir créatif qui sommeille en nous. 

Crédits : 

Écriture et réalisation : Elsa Daynac
Habillage musical : Nawel Ben Kraiem et Nassim Kouti

Lectures : Olivier Martinaud, Vincent Schmitt

Extraits musicaux : Arielle, Camille, Iggy Pop et François Béranger


Dans la collection du Musée national d'art moderne :

Œuvres de Joseph Beuys