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Chèque

[1959]

Yves Klein

Cette maquette de chèque a été réalisée par Yves Klein à la demande de sa galeriste Iris Clert. Elle sert de modèle au chéquier de reçus imprimés que l’artiste doit délivrer à l’acquéreur d’un « volume » ou d’une « zone de sensibilité picturale immatérielle ». La valeur d’échange n’en est pas cependant une somme d’argent payée en monnaie courante, mais quelques grammes d’or, d’où l’emploi de la peinture dorée pour dessiner la structure des reçus, et de l’encre rose qui renvoie au sang de l’artiste qui s’investit pleinement dans cet acte. 

 

Pour comprendre cette œuvre qui semble éloignée de toute préoccupation artistique puisqu’elle témoigne, en premier lieu, d’une transaction, il convient de revenir à la signification de ce que Klein nomme la « sensibilité picturale immatérielle ». La fonction de l’artiste consiste à révéler une nouvelle sensibilité à partir de la sensibilité première qu’est l’espace vide. Il fait surgir du vide ce dont il est plein, « le sang de la sensibilité spatiale »1, c’est-à-dire le pouvoir de l’imagination ou la création à l’état pur. Pour reprendre le libellé exact donné à la manifestation connue sous le titre « Le Vide » au printemps 1958, l’art a pour rôle « la spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée »2

 
Le travail artistique dont témoigne le reçu se situe donc au moment où l’artiste donne à voir la créativité qui habite le vide. Il s’agit d’un tour d’alchimie, ce qui explique pourquoi Yves Klein refuse l’argent pour lui préférer l’or : « Le prix du sang ne peut être de l’argent, il faut que ce soit de l’or »3. Cette exigence parachève la symbolique mystique de l’action. 

 


1. in L’Architecture de l’air, Conférence de la Sorbonne, 1959

2. Ibid.

3. Ibid.