Un país nuevo. Henri Matisse (1869-1954)

À près de quatre-vingts ans, animé d’une foi renouvelée dans le travail qui lui restait à accomplir, Henri Matisse écrivait en 1947 à son vieil ami André Rouveyre : « J’ai plusieurs toiles en train. J’éprouve les curiosités que donne un pays nouveau. Car je n’ai jamais été aussi clairement en avant dans l’expression des couleurs – jusqu’ici j’ai piétiné à la porte du temple. »* Reprenant les mots du peintre pour souligner la dimension expérimentale qui parcourt l’œuvre de part en part, l’exposition « Un pays nouveau. Henri Matisse » au Centre Pompidou-Málaga vous invite à suivre, au travers de six séquences chronologiques, le parcours d’un artiste majeur ayant profondément marqué le 20e siècle.

Pour Matisse, « l’importance d’un artiste se mesure à la quantité de nouveaux signes qu’il aura introduits dans le langage plastique. »** Durant plus de soixante ans, le peintre a réalisé une œuvre destinée à bouleverser le regard moderne : depuis ses débuts vers 1900, dans l’ombre des maîtres, en passant par l’individualité radicale des années 1904-1917 et la « comédie du modèle » (Louis Aragon) jouée dans la lumière de l’atelier niçois, jusqu’à ses dernières œuvres pour la chapelle du Rosaire à Vence. Par le biais de ces nouveaux signes plastiques dont parlait l’artiste, l’œuvre s’est exprimée au travers d’une variété de techniques que Matisse a approfondies inlassablement : peinture, dessin, sculpture, et jusqu’à cette invention singulière, riche de conséquences sur le plan formel, d’un dessin à même la couleur, avec les gouaches découpées de la fin de sa vie.

En s’appuyant sur les chefs-d’œuvre de la collection du Centre Pompidou, l’exposition met en évidence la pluralité d’expériences et la singularité d’une trajectoire artistique d’un maître moderne, dont la radicalité surprend encore. Ce « pays nouveau » témoigne d’une existence vécue non pas dans la sérénité dont son art d’équilibre et de clarté semblait la promesse, mais au sein d’authentiques combats dans lesquels l’artiste a fini par trouver son accord le plus intime – un accord, au sens musical du terme, image que Matisse empruntait si souvent pour parler de son art.

* Henri Matisse, Lettre à André Rouveyre, 15 mai 1947
** Matisse à Aragon, 1942, in Henri Matisse, roman, de Louis Aragon