Musée des sacrifices, musée de l'argent

Cette exposition présente des œuvres d’art qui évoquent le rapport de l’art à l’argent. Elle a été conçue et réalisée par Jürgen Harten, directeur de la Kunsthalle de Düsseldorf, et Horst Kurnitzky.

En confrontant des œuvres d’art contemporaines et des objets archéologiques ou ethnologiques, l’exposition recherche les origines de ce lien dans les rites que conserve, plus ou moins masqués, l’inconscient collectif d’aujourd’hui. Les rites d’offrande et de sacrifice y tiennent la place centrale autour de laquelle sont illustrés le culte de Magna Mater, le conflit Nature-Culture dans les mythes primitifs, le rôle démoniaque attribué à la femme, le refoulement de la sexualité au profit de la fécondité sociale, ainsi que l’origine de la monnaie en tant que symbole d’offrande (monnaie en forme d’instruments sacrificiels ou représentant des animaux sacrifiés).

Dans les œuvres des artistes modernes, spécialement les surréalistes (Alberto Giacometti, André Masson, Max Ernst, Victor Brauner, Hans Bellmer…), l’imaginaire moderne se fait l’écho des mythes originels, ainsi que dans de nombreux objets de la vie quotidienne (les tirelires par exemple).

Le curieux penchant qu’ont certains artistes contemporains tels Arman, Carl Reuterswärd, Edward Kienholz, Yves Klein à traiter dans leurs œuvres des problèmes des valeurs monétaires, de l’or ou de l’art-marchandise, laisse à penser, dès l’abord, qu’entre l’art et l’argent, il est un lien plus fondamental que celui qu’implique la simple commercialisation des œuvres.

Ainsi se précise la liaison de l’art et de l’argent en tant qu’institutions par lesquelles la société s’adapte et se reproduit et où subsistent, vivaces, les notions d’idolâtrie et de sacrifice.

Le travail que mesure et récompense l’argent, n’est-il pas exigé comme un devoir par l’idéologie sociale ? Quand bien même l’art peut-il être considéré comme une protestation et une tentative de libération des instincts, ses rapports à l’argent restent étroits, complexes, voire contradictoires. Tel est le propos de la seconde partie de l’exposition avec des œuvres d’artistes contemporains relevant des tendances les plus diverses, du dadaïsme à l’art conceptuel, tels Marcel Duchamp, Raoul Hausmann, Adolf Wölfli, Andy Warhol, Daniel Spoerri, Marcel Broodthears, Hans Haacke ou Joseph Beuys.

D’après Jean-Louis Faure, in Le Bulletin, N°13, juin-juillet-août-septembre 1979