Ghérasim Luca

Figure d’écrivain hors pair, qualifié par Gilles Deleuze de « plus grand poète de langue française », Ghérasim Luca est le « héros-limite » de l’inventivité du langage et de l’image, « cubomane » inspiré traversant et sondant les pratiques poétiques, photographiques, du dessin, du collage et des livres-objet, inventeur de l’« ontophonie » comme nouveau régime du langage poétique et de ses possibilités d’expression phonatoire et visuelle. Explorateur d’une position philosophique « non-œdipienne », Luca revalorise après la Seconde Guerre mondiale la dimension surréelle de l’art et de la vie à travers des opérations déconcertantes de collage, montage, détournement et humour noir, autant de procédés surréalistes suscitant le merveilleux et l’inquiétant.

Conçue à partir de la donation exceptionnelle consentie par Micheline Catti-Ghérasim Luca auprès du Musée national d’art moderne, l’exposition revient sur la grande diversité de ses recherches poétiques et visuelles, depuis sa participation au groupe surréaliste roumain jusqu’aux collaborations fertiles avec des artistes et des écrivains (Wifredo Lam, Piotr Kowalski, Claude Tarnaud) ou des éditions (Le Soleil noir, Claude Givaudan) et jusqu’aux récitals de poésie sonore qui ont durablement marqué la scène de la poésie expérimentale française et internationale des années 1960 et 1970. L’exposition inclut également une sélection documentaire conséquente à partir des collections de la Bibliothèque Kandinsky.
Une place particulière est accordée à la dimension « performative » de la poésie de Ghérasim Luca (les récitations de ses « bégaiements poétiques ») à travers un environnement audiovisuel créé dans l’espace même de l’exposition.

« Nous sommes d’accord avec les inventions délirantes, les larmes, le somnambulisme, le fonctionnement réel de la pensée, l’élixir de longue vie, la transformation de la quantité en qualité, le concret, l’absurde, la négation de la négation, le désir, l’hystérie, les fourrures, la magie noire, le délire d’interprétation, la dialectique de la dialectique, la quatrième dimension, le simulacre, les flammes, le vice, le hasard objectif, les manies, le mystère, l’humour noir, la cryptesthésie, le matérialisme scientifique et les taches de sang. » Ghérasim Luca, D. Trost, Présentation de graphies colorées, de cubomanies et d’objets, 7-28 janvier 1945, Bucarest, Sala Brezoianu.