Objet désagréable
1931

Objet désagréable
1931
Ámbito | Dessin |
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Técnica | Mine graphite sur papier |
Medidas | 10 x 14,3 cm |
Adquisición | Achat, 1975 |
Inventario | AM 1975-91 |
Información detallada
Artista |
Alberto Giacometti
(1901, Suisse - 1966, Suisse) |
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Título principal | Objet désagréable |
Fecha de creación | 1931 |
Ámbito | Dessin |
Técnica | Mine graphite sur papier |
Medidas | 10 x 14,3 cm |
Inscripciones | S.B.DR. : Alberto Giacometti |
Adquisición | Achat, 1975 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1975-91 |
Análisis
Formé à l’étude de l’Antiquité et des grands maîtres, qu’il copiera jusqu’à la fin, Giacometti ne cessera de dessiner, et ce parallèlement au travail de peinture et de sculpture qu’il entame au tournant de l’année 1925 : dessiner, au crayon ou au pinceau, sur le papier ou sur le plâtre, restera pour lui le moyen par excellence de capter dans l’espace la présence de l’objet familier ou de la figure humaine, en l’enserrant dans un réseau de grilles ou en l’animant d’un lacis de lignes brunes ou noires. Cependant, la période inscrite entre les années 1929 et 1933-1934 (date de son « retour » à la seule figure humaine, devant modèle), qui coïncide avec son adhésion au surréalisme, marque un temps de retrait (mais non d’arrêt) du dessin proprement dit. Si le concepteur des énigmatiques constructions, et autres « objets désagréables » réalisés alors, se défend de n’avoir « réalisé que des sculptures qui se sont offertes toutes achevées à [s]on esprit » et de s’être « borné à les reproduire dans l’espace sans rien y changer, sans [s]e demander ce qu’elles pouvaient signifier » ( Minotaure , 1933, n° 3-4), il lui arrive cependant d’inscrire ses visions fantasmatiques dans des carnets : elles restent des études sommaires, des recherches encore maladroites, sans réel travail graphique. Rares sont donc les dessins accomplis de l’époque surréaliste – les deux grands dessins de L’Atelier (1932, Bâle), les sept dessins reproduits dans le nº 3 du SSDLR (décembre 1931), dont Cage , Objet désagréable et Projet pour une sculpture , quelques très précieuses plumes et encres de 1933-1934 où réapparaît la figure humaine. Schémas de constructions déjà réalisées ou projetées, les vignettes dessinées en 1931 pour la revue d’André Breton n’ont rien de spontané, leur fonction étant en réalité réflexive et illustrative : elles ont été conçues, au trait le plus précis, pour illustrer l’article « Objets mobiles et muets », contribution que donne Giacometti à la mise en œuvre des « objets à fonctionnement symbolique » lancée dans ce même numéro par Dalí. Celui-ci y exalte (à l’appui de la Boule suspendue de Giacometti) la vocation « extra-plastique » de ces nouveaux objets, qui répondent, selon lui, aux pulsions les plus inconscientes de « l’imagination amoureuse ».
Cage est l’exacte transposition dessinée du plâtre original (détruit, mais connu par une photographie de Marc Vaux), dont ne reste que la grande version en bois (Stockholm, Moderna Museet). De ce premier exemple de « cage avec une construction libre à l’intérieur », sorte d’organisme mi-humain mi-végétal démembré (boules, coques, main griffue), Giacometti explicite, par le dessin, la fonction d’objet à poser sur une table, comme il le fait pour la construction extraordinairement complexe (et pour cette raison même jamais réalisée) qu’est Projet de sculpture , à poser sur le sol : cette dernière esquisse offre une version inédite du thème du duel érotique mortifère qui est à l’œuvre depuis Homme et femme (1929, MNAM) et Pointe à l’œil (1931, MNAM), et qui se complique avec Homme, femme et enfant (1932, Zurich, Fondation Giacometti), jusqu’à 1 + 1= 3 (1934). Trois éléments mobiles s’opposent sur un plateau de balance à l’équilibre précaire : les trois figures désarticulées – à gauche, des segments cassés et articulés, au centre, une ossature squelettique tournoyant autour d’une épine dorsale et surmontée également d’une tête-crâne, à droite, un étrange petit personnageplumeau – esquissent un double mouvement d’attraction-répulsion mortifère. En introduisant ce projet parmi les « objets mobiles et muets », Giacometti insiste sur sa fonction « mobile », tout autant mobilière que de mouvement. Même leçon pour Objet désagréable , qui est le dessin de l’objet en plâtre en forme de corne (MNAM) dont existent plusieurs tirages en bronze : là encore, la ligne du sol ou de la table est donnée pour indiquer son statut d’objet « désagréable », « sans base », instable ; quant à l’ajout de la main coupée affleurant la pointe cloutée, il est là non seulement pour suggérer un éventuel mouvement de bascule de l’arc, mais pour signifier l’effroi de l’acte du toucher, son danger, son interdit, qui sont au cœur des obsessions de l'artiste.
Des dessins d’une mécanique de précision : leur fait écho, comme pour préserver le halo d’énigme de ces « objets mobiles et muets », le récit automatique, décousu, et irrationnel comme celui d’un rêve, qui encadre ces vignettes. Dans ce texte d’inquiétude et de mélancolie, Giacometti insiste sur les perceptions de « choses » d’échelles différentes, de mouvements contraires et d’amplitudes variables (« près », « loin », « ascendant », « descendant »), mais très aigus, et mesurés à l’aune des sons. Images dessinées et texte fonctionnent ensemble, formant un dispositif qui sera repris par Giacometti dans Poème en 7 espaces et dans Le Rideau brun . Ce sont là les termes d’une topographie poétique inédite, qui manifeste pleinement l’adhésion – provisoire – de Giacometti au surréalisme.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008