Coupe
1934

Coupe
1934
Ámbito | Dessin d'architecture | Coupe |
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Técnica | Encre de Chine sur papier |
Medidas | 28,5 x 58,5 cm |
Adquisición | Achat, 1998 |
Inventario | AM 1998-2-199 |
Conjunto |
Maison Tempe à Pailla, Castellar, Provence-Alpes-Côte d'Azur (Conjunto disociable) |
Información detallada
Artista |
Eileen Gray
(1878, Irlande - 1976, France) | |
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Título principal | Coupe | |
Fecha de creación | 1934 | |
Conjunto | Maison Tempe à Pailla, Castellar, Provence-Alpes-Côte d'Azur (Conjunto disociable) 1934 | |
Ámbito | Dessin d'architecture | Coupe | |
Técnica | Encre de Chine sur papier | |
Medidas | 28,5 x 58,5 cm | |
Adquisición | Achat, 1998 | |
Sector de colección | Architecture | |
Inventario | AM 1998-2-199 |
Análisis
Tempe a Pailla : L’autre maison d’Eileen Gray Au printemps 1926, Eileen Gray acquiert trois parcelles dominant la ville de Menton, le long de la route de Castellar, au lieu-dit Campa a Pailla. En octobre, l’achat d’un quatrième terrain complète l’ensemble sur lequel la créatrice choisira de bâtir une nouvelle maison, sa maison : Tempe a Pailla. Nanties d’arbres fruitiers, de citronniers, d’oliviers ou de vignes, ainsi que d’une maison paysanne, ces terres sises à « l’embranchement du chemin rural1 » et entrecoupées de sentiers ne semblent alors faire l’objet d’aucun projet d’aménagement. Ce n’est que le 12 juin 1934, cinq ans après l’achèvement de la Maison en bord de mer, qu’une demande de permis de construire est déposée à la mairie de Menton. Une démarche tardive que peut expliquer l’engagement de Gray dans des chantiers parisiens. Sur ce terrain pentu et accidenté, Gray souhaite édifier une « petite maison d’habitation » avec une façade principale orientée au sud-est2. Le chantier est pris en charge par un entrepreneur local, Savoyardo, qui pourrait avoir également construit E 1027.
En premier lieu, Gray sacrifie la maison rurale mais conserve la citerne, destinée à un garage, et les deux bassins (futurs cave et réservoir d’eaux pluviales) sur lesquels elle choisit d’élever une maison résolument moderne, de construction mixte (ossature en béton et remplissage en brique). À fleur de route, la bâtisse s’empare de l’existant en associant à la pierre locale les surfaces lisses des pans de briques enduites simulant le béton. À l’image de la maison que Le Corbusier conçoit pour Hélène de Mandrot au Pradet, Tempe a Pailla fait dialoguer esthétique moderne et langage vernaculaire. Souscrivant à quatre des cinq points corbuséens – le toit-terrasse relèverait-il davantage d’un toit plat que d’un toit-jardin –, Gray manifeste sa prévention à l’égard des pilotis, leur préférant un système qui marie subtilement autonomie et rapport étroit avec le site. Une gageure. Alors que le soubassement en pierre inscrit fermement la maison dans son environnement, terrasses et coursives en hauteur, escalier suspendu, passerelle en surplomb du jardin, tubes métalliques portant l’escalier et l’auvent, décrochements et ouvertures ménagés dans les façades libres dématérialisent cet ensemble ponctué de références navales. Comme à son habitude, et plus fermement qu’à Roquebrune, Gray joue des contrastes et s’amuse à opposer pleins et vides sans jamais se laisser emporter par des considérations purement formelles. Tempe a Pailla est le lieu des contradictions résolues.
Tout en étant conçue pour assurer la protection de l’intimité, la maison offre à l’habitant une vision panoramique du paysage mentonnais. La façade sur route [ill. p. 112] en est la plus belle illustration : longeant le mur en pierre, le passant est sommé de rester à distance, son regard ne pouvant atteindre ni les fenêtres situées en hauteur ni la terrasse dissimulée derrière ses volets. La façade tel un mur d’enceinte. De l’intérieur pourtant, les vues sur le chemin et les montagnes se multiplient comme autant de tableaux de paysage.
Attentive à l’orientation de sa maison et à la diversité du site entre mer et montagne, Gray pense chacune de ses façades en fonction des besoins et des usages, dans une relation intérieur-extérieur fort subtile. Dans le prolongement de la salle, mais physiquement séparée d’elle par une baie et des marches, la terrasse en partie couverte et carrelée de grès cérame, comme l’intérieur, laisse « entrer » la végétation dans la maison [ill. p. 112]. Si le plan libre domine, il est néanmoins mâtiné de Raumplan loosien3. Sans conteste, Tempe a Pailla exprime d’autres influences que corbuséennes ; la plus évidente étant celle des architectes néerlandais, déjà observée dans E 1027. Ici encore, Gray développe une série de points faisant écho aux recherches de Gerrit Rietveld, Cornelis Van Eesteren ou Theo Van Doesburg. Délaissant à nouveau l’esthétique traditionnelle de la maison méditerranéenne, elle bannit la symétrie et la répétition au profit de « l’équilibre des parties dissemblables4 », remet en cause le principe de façade principale et privilégie décrochements, décalages, saillies légères et porte-à-faux discrets. Alors que, pour la première fois, deux pièces distinctes partagent une même fenêtre en bandeau, l’idée de continuité entre sol et mur, déjà présente dans E 1027, est reprise. La question de la limite est clairement posée et, différemment des architectures astatiques néoplasticiennes, la maison semble suspendue. Sans jamais tomber dans la citation, Gray instaure un jeu d’écrans dont l’effet de foliation est particulièrement abouti au niveau de la façade sud-ouest et de la terrasse, coiffée d’un auvent plié et étonnamment divisée par un volet.
Élément emblématique de l’architecture de Gray, et de Badovici, le volet joue ici un rôle crucial. Extérieur ou intérieur, coulissant et réglable ou fixe et pivotant, il a pour fonction de filtrer la lumière du soleil, cadrer le paysage et protéger des regards indiscrets. Associé aux divers types de fenêtres – coulissantes, pivotantes, zénithales –, le volet à jalousies en bois permet aussi de maîtriser l’éclairement et l’aération d’une maison exposée aux vents. L’efficacité de ces volets et fenêtres suscitera même l’admiration de Le Corbusier, qui proposera à Gray d’en présenter des photographies, assorties d’un commentaire, au sein du Pavillon des temps nouveaux présenté dans l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne.
Le « volet pour pays chaud » n’est pas la seule invention mentonnaise à s’exposer dans le pavillon de 1937. On y trouve également le système de faux plafond destiné au rangement [ill. p. 108], initié à la fin des années 1920 et développé dans la salle à manger et le couloir de service de la maison. Équipement rationnel du logis, il répond au désir de Gray de créer des petites maisons équipées d’un mobilier idoine. Intégrés ou mobiles, les meubles de Menton, réalisés en partie par le menuisier local Roattino, sont transformables et souvent polyfonctionnels, à l’instar des espaces et de certains éléments d’architecture. Pliants, escamotables, extensibles, ils font partie intégrante de l’édifice, conçu comme une œuvre d’art totale mêlant matériaux naturels – bois, liège, textile, pierre – et industriels – Rhodoïd, métal, verre, etc. Ils marquent une étape dans les recherches de Gray sur le meuble-outil, certains, comme le petit meuble à tiroirs pivotants [ill. p. 117] de la chambre à coucher, n’existant qu’en lien avec leur architecture.
À l’opposé de l’esprit décorateur ou régionaliste, l’intérieur de la maison est à la fois d’une grande simplicité et d’une réelle sophistication d’usage. Passée maître dans l’art de penser l’espace et ses transitions, l’architecte hiérarchise avec subtilité les volumes, signifiant les zones par un plafond rehaussé, une marche ou un poteau projeté en avant d’une cloison, et use de la couleur, essentielle dans son œuvre, pour construire ses espaces. Achevée en 1935, la maison souffre rapidement des problèmes d’étanchéité du toit-terrasse avant de subir les affronts de la guerre. Occupée par les combattants et ébranlée par l’explosion proche d’un obus, elle sort des hostilités privée de la totalité de ses meubles. La déclaration de sinistre déposée en avril 1946 marque le début d’un chantier de restauration essentiellement tourné vers la conception d’un nouveau mobilier. Gray peut néanmoins se réjouir de voir Tempe a Pailla enfin publiée dans l’ouvrage 25 années UAM en 1956, peu après avoir décidé de la vendre au peintre Graham Sutherland.
PERSON - Elise Koering
Notes :
1. Permis de construire, Archives de la mairie de Menton.
2. Lettre d’Eileen Gray, 12 juin 1934, Archives de la mairie de Menton.
3. Dans le Raumplan d’Adolf Loos, les espaces se trouvent à des niveaux différents selon leur fonction.
4. Theo Van Doesburg, « L’évolution de l’architecture moderne en Hollande », L’Architecture vivante, vol. 3, no 9, automne-hiver 1925, p. 19.
Source :
Extrait du catalogue Eileen Gray, sous la direction de Cloé Pitiot, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 2013
Bibliografía
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