P 1967-122

En 1960, Hartung obtient le Grand Prix de peinture à la xxxe Biennale de Venise, à l’unanimité du jury. Cette consécration internationale se double aussitôt d’une reconnaissance de l’artiste par la politique culturelle de la France : soutien personnel de Georges Pompidou, achat de trois pastels par l’État en 1971, exposition rétrospective en 1969 au Musée national d’art moderne, ardemment défendue dans les colonnes du journal Combat par le jeune critique d’art François Pluchart. Ce statut d’artiste officiel, dans les années 68, va engendrer une cristallisation de la réception de l’œuvre à un moment donné, et, dans une certaine mesure, susciter auprès des nouvelles générations une certaine indifférence pour l’évolution à venir d’Hartung.

Pourtant, une rupture dans sa pratique artistique s’opère à partir de 1960, un an après son installation dans un nouvel atelier, situé rue Gauguet, à Paris. Les pastels sur papier ne sont plus utilisés comme supports pour la réalisation de peintures par report avec agrandissement, mais affirment un statut d’œuvres pleinement autonomes, tandis que leur production se développe de manière conséquente. Hartung y explore un nouveau répertoire de formes et de couleurs. Le graphisme tout en circonvolutions laisse la place à des faisceaux de lignes parallèles qui engendrent une dynamique ascensionnelle. Les œuvres sur papier deviennent un champ d’expérimentation propre à appréhender l’élan et la tension du geste. Les teintes, vives et lumineuses, souvent fluorescentes, ne sont pas sans évoquer l’esthétique pop. Le dessin semble résulter d’états émotionnels contradictoires : à la fois, une grande sérénité et une extrême élégance où se lit l’attention portée par Hartung à la calligraphie et à la philosophie zen, et une fureur de l’écriture issue de l’expressionnisme. Le pastel transcrit avec force et sans rupture de ligne le geste de l’artiste.

Annie Claustres

Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008