Danseuse
[1930 - 1931]

Danseuse
[1930 - 1931]
Ámbito | Dessin |
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Técnica | Mine graphite sur papier vergé |
Medidas | 33,2 x 25,7 cm |
Adquisición | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
Inventario | AM 1984-68 |
Información detallada
Artista |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
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Título principal | Danseuse |
Fecha de creación | [1930 - 1931] |
Ámbito | Dessin |
Técnica | Mine graphite sur papier vergé |
Medidas | 33,2 x 25,7 cm |
Inscripciones | Non signé, non daté |
Adquisición | Don de Mme Marie Matisse, 1984 |
Sector de colección | Cabinet d'art graphique |
Inventario | AM 1984-68 |
Análisis
En 1930, Matisse fait étape à Merion en Pennsylvanie où le Docteur A. Barnes vient de terminer la construction du bâtiment qui doit accueillir son exceptionnelle collection d'oeuvres d'art. A. Barnes demande à Matisse de concevoir une décoration murale pour la partie haute de la salle centrale : une surface découpée par trois lunettes sur pendentifs surplombant de hautes baies lumineuses. Le thème choisi par l'artiste pour habiter ces « sphères célestes » est à nouveau celui de La Danse qu'il avait développé sous forme d'une ronde dans Le Bonheur de vivre de 1906 et repris en 1910 pour le grand tableau destiné à Chtchoukine. De 1930 à 1933, il travaille à deux versions successives de cette œuvre monumentale, dont la première fut plus tard installée au Musée d'art moderne de la Ville de Paris.
Matisse, en louant à Nice un ancien studio de cinéma comme atelier, réunit les conditions matérielles favorables à une traduction en vraie grandeur de ses hypothèses plastiques, chaque « idée » notée sur le papier se matérialisant rapidement sur la toile aux dimensions réelles de la décoration. Le dessin est exécuté par l'artiste au moyen d'un fusain emmanché sur un long bambou, la couleur est donnée par des gabarits de papiers découpés, mobiles, épinglés selon les variations de la composition. Commentant sa méthode, Matisse explique : « Peut-être serait-il important d'indiquer que la composition du panneau est sortie d'un corps à corps de l'artiste et des cinquante deux mètres carrés de surface, dont l'esprit de l'artiste a dû prendre possession, et non pas du procédé moderne de projection d'une composition sur une surface un certain nombre de fois plus grande, à 'la demande' et calquée. L'homme avec son projecteur qui recherche un avion dans l'immensité du ciel ne le parcourt pas au même titre que l'aviateur. »1 Pour préparer son travail, Matisse réalise également de nombreuses études faites d'après les modèles posant et dansant dont une partie fut rassemblée sous le titre Danseuses et acrobates, 1931-19322. Dans ces exercices, il tentait de saisir l'équilibre instable des « figures dansées » jusqu'à leur point ultime de distorsion, de déchirement formel. Ces Danseuses sont-elles réminiscences des modèles dansant ou faisant le poirier représentées par Rodin vers 19063 ? Doit-on y voir une réponse aux acrobates, nageuses et baigneuses de Picasso de la période 1930-19334 ? Outre la force de ces références, cet intérêt de Matisse pour la « désarticulation » du sujet renvoie au principe constructeur par « fragments » et « compartiments » dont procède la composition générale de La Danse.
La feuille intitulée Nu, présente une danseuse la jambe droite levée dont le mouvement est réduit à une arabesque sinueuse. La position délibérément oblique dans la feuille renforce la virtuosité de la pose, l'élan de la notation graphique. Ici, c'est à la condensation d'un tracé synthétique que s'essaie Matisse comme s'il cherchait à ne garder de la danseuse que l'axe moteur et du mouvement que l'inflexion optique. Par contre dans le dessin intitulé Danseuse qui figure au recto d'une esquisse pour la Lunette centrale de « La Danse I », il s'attache à un détaillement anatomique du modèle. Selon la technique usuelle, l'étude conserve de nombreux tracés estompés engendrant l'effet cinétique d'un battement du bras de bas en haut. A cela s'oppose une architecture rigoureuse, efficace du corps, analysant les articulations du bras, du torse, du ventre et des cuisses. Dans la photographie, on peut voir Matisse placer au centre du panneau cette figure — tronc, jambe tendue, jambe pliée — comme une sorte de générique bondissant, de pivot énergétique de la composition. Comme le montrent ces trois études de La Danse, Matisse travaillera à styliser cette posture jusqu'à en obtenir la formulation quasi-abstraite qui associe une pointe (le pied pointé, replié), un renflement (le raccourci de la cuisse), un plat (le sexe de la danseuse), un cône allongé (la jambe). Il retiendra ce motif énigmatique — que seules rendent lisibles les étapes du dessin — comme clef de voûte, au sens propre, de sa composition. C'est ce motif, solitaire, essentiel, exprimant le jaillissement de la danseuse que figure le dessin du MNAM5.
Si Matisse parcourt l'espace de sa décoration comme un aviateur, il semble que ce soit pour maîtriser la chorégraphie tumultueuse de quelques trapézistes téméraires. Pour élargir l'espace contraignant alloué au panneau, il choisit de tronquer ses sujets en les plaçant, en partie, hors cadre : il suggère ainsi un champ imaginaire adjacent qu'objective et dynamise la poussée de la trame noire, blanche et grise, rythmant La Danse. Mais pour que le regard n'hésite pas à restituer à ces figures incomplètes leur image, il fallait à l'artiste définir les lignes de fractions qui soient les plus signifiantes. En cela, les études de La Danse de 1930-1931 constituent un véritable « précis de décomposition ». En 1908, Sarah Stein notait sous la dictée de Matisse quelques consignes visant à souligner l'expressivité du dessin : « Vous pouvez considérer ce modèle Nègre comme une cathédrale, composée de parties qui forment une construction solide, noble, toute en hauteur — et vous pouvez le considérer comme un homard, à cause de ses muscles tendus comme une carapace dont les parties s'emboîtent les unes dans les autres d'une façon très précise et très évidente, avec des articulations juste assez grosses pour tenir les os »6. Les figures de La Danse participent de ce double caractère de la « cathédrale » et du « homard ». Que ce soit dans la version « dionysiaque » de l'œuvre finalement accrochée à la Fondation Barnes, ou dans la version I que Matisse considérait comme une « danse guerrière », les danseuses conserveront leur élasticité de géante, de furies, de gymnastes se prêtant aux interprétations les plus diverses : combats, ronde d'hommes, lutte d'amour.
Anne Baldessari
Notes :
1. Cité par Dominique Fourcade, Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 138, note 3 (note de Matisse inRaymond Escholier, Matisse ce vivant, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1956).
2. In Alfred H. Barr, Matisse, his Art and his Public, New York, The Museum of Modern Art, 1951, p. 242, note 1 (Entretien avec Margaret Scolari, 1931). De plus, Matisse confia la série des planches Danseuses et acrobates à Colette en 1948 afin qu'elle s'en inspire pour illustrer un ouvrage. Ce projet n'aboutit pas.
3. Cf. les dessins de Rodin : suite des Études de danseuses cambodgiennes, juillet 1906, nos 4500 à 4520; Mouvement de danse, nos5739, 5740, 5742, 5745 (Inventaire des dessins, Paris, Musée Rodin, 1984, t. IV); et différentes Études de femmes faisant le poirier, nos 4404, 4405, 4407, 4408, 4409, 4416-4421 (ibid., t. m).
4. Cf. Pablo Picasso, La Nageuse, 1929, Paris, Musée Picasso.
5. Dominique Fourcade rapproche pour sa part ce dessin des études pour les Poésies de Mallarmé, 1931 (Cahiers du MNAM, n° 13, 1984, p. 11).
6. Cité par Dominique Fourcade, Henri Matisse, Écrits et propos sur l'art, édition établie par Dominique Fourcade, Paris, Hermann, 1972, p. 66 (« Notes de Sarah Stein », 1908).
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989
Análisis
Dans les importantes « Notes d’un peintre sur son dessin », publiées en 1939, Matisse élabore la notion de « volupté sublimée » : l’intérêt émotif que lui inspirent ses modèles, explique-t-il, passe « par des lignes ou des valeurs spéciales qui sont répandues sur toute la toile ou le papier et forment son orchestration, son architecture. Mais tout le monde ne s’en aperçoit pas. C’est peut-être de la volupté sublimée ». La manière dont il aborde durant les années 1930 le thème mallarméen du faune et de la nymphe (impliquant pourtant toute la violence du rapt et de l’étreinte), sur lequel il produit plusieurs séries d’œuvres magnifiques, est sans doute à relier à ces propos. À partir des eaux-fortes « d’un trait très mince, régulier, sans hachures » gravées en 1930 pour le choix de Poésies de Mallarmé publié en 1932 par Albert Skira, il entreprend en 1935 un travail de dessin important, en liaison avec plusieurs peintures, qui culmine avec une grande composition verticale sur toile, Nymphe dans la forêt (terminée en 1942-1943, musée Matisse, Nice). Parallèlement, il engage dès 1935 deux grands fusains, sur des toiles préparées en blanc au format plus carré, cadrant uniquement le motif double du faune penché sur la nymphe allongée. Les ombres plus fouillées de l’un (Faune charmant la nymphe endormie) , plus tôt considéré comme achevé (on le voit accroché au mur de l’atelier), répondent à la transparence progressivement affirmée de l’autre (Nymphe et faune) , décanté jusqu’à l’os, terminé en 1943. Ce deuxième fusain surtout porte les traces encore lisibles d’un long travail d’effacement : réduit aux seuls contours – dépouillés d’ombres – des deux figures, irradié par la lumière abstraite de la préparation blanche, il est chargé pourtant d’une présence expressive considérable. Le faune et la nymphe géants sans visage, sans regard, dessinent ensemble le chiffre presque dématérialisé du désir. « Je module avec mon trait plus ou moins épais, et surtout par les surfaces qu’il délimite sur mon papier blanc » , disait Matisse. Ce qui transmet l’émotion, ce qui en règle la modulation, c’est ici la seule lumière.
Au contraire, dans Danseuse assise (1939), avec les mêmes instruments pourtant, Matisse semble écraser sur sa feuille tout le poids de la gomme, de l’estompe, pour mieux maculer le motif, le tatouer des ombres des effacements successifs. Une sorte de confiture grise, un « miel » de temps, englue les puissantes arabesques noires (celles des cuisses, du fauteuil, de la blouse roumaine), et joue comme enregistreur, comme une substance témoin portant l’empreinte de chacun des moments d’un relativement long travail. La danseuse, comme la nymphe, n’a plus de regard. Si les déplacements de ce qui fut son visage et son corps, décrits au départ de façon plus ressemblante, restent visibles, l’impression générale est celle d’une stabilité monumentale, Matisse décrivant au final une stature, plutôt qu’un corps particulier. Étape du travail en vue de la toile Danseuse au repos (1940, The Toledo Museum of Art), ce dessin est aussi à mettre en relation avec La Blouse roumaine (1940, MNAM), dont il annonce l’ampleur, les effets de simplification et de géométrisation.
Isabelle Monod-Fontaine
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliografía
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Autour d''un chef-d''oeuvre de Matisse. Les trois versions de la Danse Barnes (1930-1933) : Paris, Musée d''art moderne de la Ville de Paris, 18 novembre 1993-6 mars 1994 (Cat. n°13, reprod. 50, p.52) . N° isbn 2-87900-143-9
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Matisse, la collection du Centre Georges Pompidou, Musée national d''art moderne : Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2 avril-28 juin 1998. - Paris : éd. Centre Pompidou (sous la dir. de Claude Laugier, Isabelle Monod-Fontaine et Philippe Durey) (cit. et reprod. coul. p. 52) . N° isbn 2-85850-946-8
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Henri Matisse : Figure, couleur, espace : Bâle, Fondation Beyeler.- Riehen/Bâle : Fondation Beyeler, 2006 (reprod. p. 138, ill. 94, cit. p. 190) . N° isbn 3-905632-44-6
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Collection Art graphique : [Catalogue de] La collection du Centre Pompidou, Musée national d''art moderne - Centre de création industrielle. - Paris : éd. Centre Pompidou, 2008 (sous la dir. d''Agnès de la Beaumelle) (cit. et reprod. coul. p. 206-208) . N° isbn 978-2-84426-371-1
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Rodin. L''Exposition du centenaire : Paris, Grand Palais, 22 mars-31 juillet 2017. - Paris : Réunion des musées nationaux /Grand Palais, 2017 (cat. 186, reprod.coul. p. 204, légende p. 360) . N° isbn 978-2-7118-6373-0
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Un pais nuevo. Henri Matisse (1869-1954) : Centre Pompidou Málaga, 6 mars-9 juin 2019. – Málaga : éd. Centre Pompidou Málaga, 2019 (sous la dir. d’Aurélie Verdier) (cit. p. 55 et reprod. coul. p. 56) . N° isbn 978-84-949006-5-5
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Matisse, comme un roman : Paris, Centre Pompidou, Musée national d''art moderne, 21 octobre 2020-22 février 2021 [initialement prévu 13 mai-31 août 2020]. - Paris : éd. Centre Pompidou, 2020 (sous la dir. d''Aurélie Verdier) (reprod. coul. p. 149) . N° isbn 978-2-84426-872-3
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