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Who You Staring At?

Culture visuelle de la scène no wave des années 1970 et 1980

1er février – 19 juin 2023

Espace des Collections film, vidéo, son et œuvres numériques
Musée, niveau 4

Présentation

Une nouvelle scène artistique, la no wave, naît dans les quartiers à bas loyers du Lower Manhattan à New York, en 1978. L’échec du modèle culturel et économique hippie à la toute fin des années 1960, puis les transformations commerciales de la new wave et du disco poussent les principaux acteurs du mouvement à rompre avec les circuits de l’art contemporain et de l’industrie musicale.

 

Provenant de domaines artistiques variés, les groupes no wave s’approprient les instruments de la scène rock pour mieux les retourner contre elle-même, afin de subvertir ses icônes. Les guitares désaccordées, les rythmes déstructurés et les chants criards viennent enrichir un éventail de productions visuelles radicales, révélant le projet d’une culture alternative, croisant de nombreux supports : affiche, cassette et disque audio, film, vidéo. Les sons saturés et dissonants se traduisent en images abrasives, altérées par un détournement des techniques de reprographie (Xerox art), largement employées dans les réseaux punks et des musiques industrielles dès le milieu des années 1970.

 

Cette présentation emprunte son titre à l’album de John Giorno et Glenn Branca, Who You Staring At?  Une interrogation qui transcrit l’esprit de confrontation des artistes no wave et une volonté de déconstruire le regard, abordés ici à travers un ensemble de pratiques pluridisciplinaires au croisement de la danse, de l’opéra, de la musique et des arts visuels.

Les activités des groupes no wave définissent les limites d’un territoire, le Lower East Side et le Tribeca de la fin des années 1970, dont le déclin urbanistique offre un véritable laboratoire à ciel ouvert à une nouvelle génération de musiciens, cinéastes, plasticiens et performers. Leur travail en commun constitue rapidement le cœur de la scène.

 

Avant qu’elle ne soit frappée par les ravages du sida, cette zone du sud-est de Manhattan exprime sa différence avec la sphère des galeries d’art du quartier voisin de SoHo. Ces deux univers se côtoient pourtant au sein de l’Artists Space, qui accueille en mai 1978 les groupes Daily Life, DNA, Contortions, Mars, Teenage Jesus and the Jerks, Theoretical Girls, Tone Death et The Gynecologists pour une série de concerts no wave. Fraîchement arrivé à New York, Brian Eno assiste à ce festival de cinq jours et découvre un mouvement post-punk qu’il documente la même année en publiant les compositions de certaines de ces formations sur le disque vinyle No New York. Cette compilation marque un dialogue entre cultures « high » et « low », qui se retrouve au même moment dans la programmation musicale que Rhys Chatham conçoit pour The Kitchen à partir de 1971 – le musicien composera quelques années plus tard la pièce sonore du ballet no wave Drastic-Classicism (1981) pour la chorégraphe Karole Armitage. Cette connivence entre art et musique se développe ensuite, dès 1980, au sein du centre pluridisciplinaire ABC No Rio.

Les musiciens no wave, plutôt familiers du monde des squats et des clubs comme le CBGB, le Max’s Kansas City, le Mudd Club ou le 8BC, se regroupent dans des événements collectifs qui feront toute la richesse du mouvement et de son histoire

L’exposition « The Times Square Show », organisée en juin 1980 par le collectif Colab, permet à de nombreux cinéastes, plasticiens et musiciens indépendants de poursuivre leurs créations en dehors des institutions culturelles.

L’année suivante, le festival « Noise Fest » pensé par Thurston Moore et Josh Baer pour le lieu alternatif White Columns, introduit la première performance publique de Sonic Youth, parmi des contributions de Glenn Branca, Mark Cunningham et Y Pants. Une exposition conçue par les musiciennes Kim Gordon et Barbara Ess accompagne ces concerts pour valoriser les œuvres de Robert Longo, Nina Canal, Alan Vega et Ikue Mori, notamment. Dans la lignée de ces événements, Christian Marclay invite d’autres figures majeures de la scène pour son festival « Eventworks » (Boston, 1980).

 

La diffusion des films d’Eric Mitchell et de Vivienne Dick à cette occasion témoigne aussi de l’existence d’un cinéma no wave, qui émerge dans des clubs et dans des salles de projection new-yorkaises comme le Millennium Film Workshop, le Collective For Living Cinema ou le Bleecker Street Cinema, montrant les œuvres d’Amos Poe, James Nares, Beth B et Scott B. Ces expériences ouvriront la voie au « Cinéma de la transgression » de Nick Zedd et Richard Kern, incarné notamment par Kembra Pfahler et Lydia Lunch.

Le dynamisme et la diversité de cette scène, relayée par l’émission de télévision de Glenn O’Brien « TV Party » entre 1978 et 1982, révèlent le projet d’une « compulsion » visuelle et sonore. Titre d’un morceau composé par le groupe Mars en 1977, ce terme bref et incisif indique une gestuelle singulière, une réaction épidermique aux courants musicaux et artistiques dominants, caractéristiques de la dimension subversive de la no wave.


Œuvres exposées

Œuvres issues de la collection du Centre Pompidou :

Autres œuvres présentées :

  • Vivienne Dick, Guérillère Talks, 1978, film Super 8 numérisé. Collection Vivienne Dick et LUX, Londres
  • Karole Armitage, Rhys Chatham, Drastic-Classicism, 1981, vidéo. Collection Karole Armitage et Rhys Chatham
  • Beth B, Scott B, Letters to Dad, 1979, film Super 8 numérisé. Collection Beth B et Scott B / Kino Lorber
  • Rhys Chatham, Joseph Nechvatal, XS exemplification of XS: The Opera Opus (1984-1986), 2022, diaporama sonore. Collection Joseph Nechvatal
  • Joseph Nechvatal, Black Spring, 1983-1984, mine de plomb sur papier. Collection Joseph Nechvatal
  • Joseph Nechvatal, Supreme Court, 1984, mine de plomb sur papier. Collection Joseph Nechvatal
  • Joseph Nechvatal, It’s Not Funny, 1983, mine de plomb sur papier. Collection Joseph Nechvatal
  • Joseph Nechvatal, Fuck Death, 1984, mine de plomb sur papier. Collection Joseph Nechvatal
  • Joseph Nechvatal, Peace The New Sleep, 1985-1986, mine graphite sur papier photomécanique marouflé sur Isorel. Collection Joseph Nechvatal

Extraits vidéo

Dan Graham, Glenn Branca
Performance and Stage-Set Utilizing Two-Way Mirror and Video Time Delay, 1983

Ce dispositif confronte le spectateur à sa propre image pour subvertir les rôles habituellement assignés au public et à l’interprète. Placés sur le côté gauche du public, Glenn Branca, Margaret Dewys et Axel Gross réalisent une performance face à un miroir sans tain. Un téléviseur placé derrière ce miroir diffuse, avec un différé de six secondes, une vue de la salle filmée avec un objectif grand angle placé au-dessus de l’écran.

Cette performance a fait l’objet d’une composition sonore, Acoustic Phenomena, dont une version condensée est publiée sous la forme d’un disque 45 tours pour le catalogue de l’exposition « Pavilions » de Graham à la Kunsthalle de Berne en 1983.

Raymond Pettibon

The Whole World is Watching: Weatherman ‘69, 1989

Dans ce long-métrage, Raymond Pettibon remet en question l’utopie contre-culturelle des années 1960. Dans la lignée de son travail graphique au sein des milieux punk américains, Pettibon réalise cette vidéo avec Thurston Moore, Kim Gordon et Mike Watt de Sonic Youth.

Les musiciens incarnent ici des membres du Weather Underground, une organisation anti-impérialiste et antiraciste de la New Left, connue sous le nom de Weatherman lors de sa création en 1969. L’œuvre documente les activités fictives de l’organisation (lectures de textes, sessions musicales, destruction de vinyles), confrontée à d’autres acteurs interprétant par exemple Jane Fonda et John Lennon.

Ida Applebroog, Beth B

Belladona, 1989

Les textes récités par les interprètes de Belladonna – le cinéaste Jonas Mekas, ou la modiste Judith Solodkin – révèlent des cas de violences masculines. La répétition de certaines séquences amplifie l’horreur des propos, entrecoupés par des peintures de Ida Applebroog, la mère de Beth B. Ces déclarations proviennent de témoignages du meurtrier Joel Steinberg, de survivants des expériences menées par le criminel de guerre Josef Mengele, et d’études de cas cliniques tirées de l’essai Un enfant est battu de Freud (1919).

L’entrecroisement de ces différentes sources crée de nouveaux discours, tandis que les textes originaux sont récités intégralement à la fin de la vidéo.


Extraits musicaux

Morceaux issus de la collection Nouveaux Médias, à retrouver dans la présentation.

Avec notamment Kathy Acker, Glenn Branca, Karen Finley, John Giorno, Michael Gira, Richard Hell, Arto Lindsay et Sonic Youth.

 

En écoute également au sein du parcours : 

Lecture de Kathy Acker enregistrée au Centre Pompidou le 24 novembre 1982, dans le cadre de la Revue parlée – illustrée de photographies de Françoise Janicot. 


Programmation associée :

  • 1er février 2023, à 20h
    Vernissage et performance du musicien Rhys Chatham

À lire aussi dans Le Magazine :

 

No wave : au cœur des contre-cultures new-yorkaises des années 1970-1980

Par Nicolas Ballet
Attaché de conservation, collection nouveaux médias, commissaire de l'accrochage