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La visite amoureuse de... JonOne

Il est l'une des stars du graffiti art. Né John Perello en 1963, JonOne grandit à Harlem, où il assiste à la naissance de la culture hip-hop. À dix-sept ans, il tague trains et murs, puis en 1987, il quitte l'ébullition de la scène new-yorkaise pour s'installer dans la capitale. Commence alors une carrière fructueuse. Fasciné par le travail du peintre Georges Mathieu, JonOne a investi une salle de la Monnaie de Paris, qui accueille « Geste, vitesse, mouvement », l'exposition consacrée au peintre (une coproduction Centre Pompidou). Il nous raconte sa passion pour le pionnier de l'abstraction lyrique. 

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C'est dans l'une des salles attenantes à celles qui accueillent l'exposition « Geste, vitesse, mouvement » consacrée à Georges Mathieu (1921—2012), que JonOne a laissé éclater toute sa créativité. À ses côtés pour cet « accrochage » inédit, baptisé « Graffiti × Georges Mathieu », d'autres légendes du genre comme Lek & Sowat ou Futura 2000. Sur de larges panneaux, JonOne a projeté en un grand élan, des jets de peinture oranges, rouges, verts, puis appliqué cette calligraphie heurtée si propre aux graffiti artistes — son style signature. La surface des murs est totalement recouverte, tout comme le plafond. En regard, des œuvres de Georges Mathieu choisies par JonOne. Entre les deux, les similitudes sont assez frappantes : chez l'artiste d'origine new-yorkaise (et parisien d'adoption) comme chez le pionnier français de l'abstraction lyrique, c'est le geste et sa fulgurance qui priment. 

 

En 1987, JonOne débarque dans la capitale, où il participe à l'émergence de la culture graffiti de ce côté-ci de l'Atlantique — inscrivant son blaze sur les murs du mythique terrain vague de La Chapelle, ou sur ceux de l'Hôpital-Éphémère.

 

Né en 1963 dans le quartier de Harlem à New York, John Perello commence, dès l'adolescence, à recouvrir murs et rames de métro. Ce sont les années 1980 et la culture hip-hop, qui mêle rap, breakdance et graffiti est en plein essor. Le jeune graffeur se fait un nom dans le milieu et monte même un collectif, le 156 All Starz. En 1987, JonOne croise le Français Bando, l'un des pionniers du genre, qui le persuade de venir à Paris. Il débarque alors dans la capitale, où il participe à l'émergence de la culture graffiti de ce côté-ci de l'Atlantique — inscrivant son blaze sur les murs du mythique terrain vague de La Chapelle, ou sur ceux de l'Hôpital-Éphémère, épicentre de la création alternative au début des années 1990. Dans les années 2000, JonOne a l'intuition que c'est sur la toile que le futur du graffiti va s'incrire.

 

Aujourd'hui, celui qui se définit comme « peintre graffiti expressionniste abstrait » est très coté. Francophile, il a même été décoré de la Légion d'honneur en 2015. La même année, il réalise pour le palais Bourbon une œuvre intitulée Liberté, égalité, fraternité, inspirée par Eugène Delacroix. S'il cite Jackson Pollock ou Joan Mitchell comme références, JonOne se reconnaît aussi dans l'approche dynamique et physique de Mathieu. Rencontre.

« Je connais le travail de Georges Mathieu depuis la fin des années 1980, je l'ai découvert quand je suis arrivé à Paris. Ça m'a tout de suite parlé. D'abord l'abstraction évidemment, qui nous réunit, et puis ce langage qui lui est propre. Il y a aussi ce geste, cette manière de peindre que j'ai reconnue. Mathieu a une approche très particulière de la couleur ; et la couleur est au cœur de mon travail, c'est ma signature. J'ai toujours pensé que Georges Mathieu était comparable à un artiste du graffiti, un writer. Comme nous, il utilise tout son corps en mouvement et le met au service de ses créations. Il est l'un des premiers artistes à mettre en scène son geste créatif, c'est un action painter original.

 

J'ai toujours pensé que Georges Mathieu était comparable à un artiste du graffiti, un writer. Comme nous, il utilise tout son corps en mouvement et le met au service de ses créations. Il est l'un des premiers artistes à mettre en scène son geste créatif, c'est un action painter original.

JonOne

 

Mathieu est un artiste qui a longtemps été oublié, et c'est dommage. Je pense qu'il a surtout été incompris — c'était un grand rêveur, un poète qui vivait hors de son époque. il était quand même royaliste ! Le fait qu'il ait pas mal travaillé pour l'État français (Mathieu a réalisé le dessin de la fameuse pièce de 10 Francs en 1974, ndlr) et pour les gouvernements de droite, cela l'a un peu desservi…Moi aussi j'ai travaillé pour la France, mon pays de cœur, mais cela ne veut pas dire que je suis un artiste d'État ! Je travaille avant tout pour moi-même.

 

Mon travail dans l'exposition, c'est une journée complète de performance. J'avais au préalable choisi des toiles de Mathieu qui allaient ensuite être accrochées en regard de ma fresque, et mes couleurs — l'idée c'était qu'il y ait de l'espace entre nos œuvres, que ça se réponde mais que ça respire aussi. Pour me mettre en condition, j'ai revu beaucoup de vidéos de Mathieu en train de travailler ; il a réalisé de nombreuses performances filmées. J'ai essayé de me mettre dans sa peau. J'ai peint avec de grands pinceaux, et aussi avec une serviette, une technique utilisée par Mathieu dans ses performances. Le travail que j'ai réalisé, c'est une forme d'hommage, mais avec mon propre style — comme s'il s'agissait d'une collaboration et que Georges Mathieu était toujours en vie. » ◼

Découvrez le catalogue de l'exposition « Georges Mathieu, Geste, vitesse, mouvement » (éditions du Centre Pompidou)