Thomas Levin : l'archéologie des médias comme pratique critique : trois conférences

"La pensée critique récente sur les médias en Europe et aux États-Unis a pris ce que l’on pourrait appeler un tour archéologique. Bien que le domaine en plein développement de « l’archéologie des médias » soit profondément hétérodoxe en soi, la majorité de ces efforts sont marqués par une résistance commune aux modes linéaires, téléologiques et/ou techno-déterministes de l’histoire des médias. Correctif bienvenu à la myopie du présentisme que l’on rencontre souvent dans la tendance technophile de certains nouveaux spécialistes des médias, l’archéologie des médias rejette également le récit de l’évolution techno-darwinienne de l’histoire des médias, telle qu’illustrée, par exemple, par la victoire du médiocre VHS sur le Betamax lors des guerres épiques que se livrèrent les formats à la fin des années 1970.

En mettant l’accent sur les moments négligés, sur les entreprises ratées et les pratiques oubliées, l’archéologie des médias peut être décrite comme une sorte de réécriture ou de « désécriture » de l’histoire des médias. Mais ce projet révisionniste n’est en aucun cas passéiste, dans la mesure où, en explorant des chemins inconnus de l’histoire des médias, l’archéologie des médias est également amenée à imaginer d’autres avenirs. Le projet, dans toutes ses diverses manifestations, est façonné par une notion foucaldienne selon laquelle les archives constituent l’ensemble des règles qui régissent la gamme de ce qui est même concevable. En tant que telle, la préhistoire exhumée par la recherche archéologique sur les médias ne doit pas nécessairement être appréhendée en termes d’antériorité temporelle, mais plutôt comme le lieu de configurations techno-épistémologiques qui soutiennent le discours sur les médias contemporains."
T-Y. Levin

Thomas Y. Levin est théoricien des médias, commissaire d’exposition, et professeur au département d’allemand de Princeton University, où il enseigne l’histoire et la théorie de la culture et des médias.