L'Automne

En 1948, Laurens représente pour la première fois la France pour la sculpture à la Biennale de Venise. Si deux ans plus tard, invité cette fois par l’Italie à la Biennale de Venise, l’artiste n’obtient pas le prix de sculpture, l’attitude généreuse de Matisse, qui partage le montant de son Prix de Peinture avec lui, et l’organisation d’un banquet en son honneur à Paris témoignent de l’estime que lui porte le milieu artistique. En 1951, le Musée national d’art moderne lui organise à Paris une grande rétrospective (9 mai-7 juin). Plus tard, en 1952, Laurens voit son œuvre monumentale saluée par une commande publique, celle de l’université de Caracas pour laquelle il réalise une version agrandie de l’ Amphion de 1937. La création de l’ Automne (cat. exp. Paris, 1967, op. cit. , n o 95) a coïncidé avec la reconnaissance d’un art en plein épanouissement. Après la série des formes ramassées du début des années 1940, le corps s’assouplit et déploie à nouveau dans l’espace l’alternance des pleins et des vides. La grande Baigneuse de 1947, dont les membres renflés rappellent les formes plantureuses de Picasso à Boisgeloup en 1930-1931, retrouve la stature allègre des années 1930. Réalisé en deux versions, dont la seconde sera le dernier grand bronze du sculpteur (AM 1632 S), L’Automne reprend le thème de la figure étendue, traité par Laurens depuis le début des années 1920. Le rythme ondulé, issu des constructions cubistes, lie et délie dans un mouvement fluide le nœud du corps, dont les volumes croissent en intensité à partir de son centre. Au lieu de se concentrer sur la seule partie supérieure de la figure, Laurens réinvente le motif de la femme couchée en déplaçant les pôles de gravité. Ainsi, tel un ruban de vagues, le buste lié au bassin forme un intervalle intermédiaire entre deux extrémités massives équivalentes, celles des bras et des jambes qui s’opposent également dans l’espace. La libération du réel induite par l’expérience cubiste permet à Laurens de poursuivre sa recherche expressive.

Marielle Tabart

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007