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Le feuilleton d'Anne Lafont

Afrotropes

Le feuilleton « Afrotropes » est l’occasion d'entrer dans l'espace figural de l'Atlantique noir tel que défini par Paul Gilroy.

Autrement dit de suivre un certain nombre de motifs, d'idées et d'images, ou encore la traîne d'un fantôme noir dont les avatars s'inventent au cours du cabotage de l'histoire sur les côtes de l'Afrique, de l'Amérique et de l'Europe, depuis la découverte par les Khoïkhoï de navires portugais dans les rades du Cap à la fin du 15e siècle jusqu'aux grands ensembles de Sarcelles et de son foyer Sonacotra où vécut et travailla le photographe Jacques Windenberger au milieu du 20e siècle.


Anne Lafont est historienne de l’art et directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.

Elle a suivi sa formation au Canada, en France et en Italie où elle a été pensionnaire de la Villa Médicis. En 2003, elle est élue maîtresse de conférences à l’université Paris Est, puis, elle rejoint l’Institut national d’histoire de l’art et enfin l’EHESS en 2017. Elle a publié récemment deux livres : Une Africaine au Louvre. La place du modèle, et une monographie intitulée L’Art et la race. L’Africain (tout) contre l’œil des Lumières (Presses du réel, 2019) qui lui a valu le prix littéraire Maryse Condé dans la catégorie recherche et le prix Vitale et Arnold Blokh.


Épisode 1

Lundi 8 février 2021, à 11h

Afrotropes

Dialogue avec Huey Copeland

Dans une conversation avec l’historien de l’art contemporain Huey Copeland, nous déplierons la notion d’« afrotropes », dont il est avec Krista Thompson, l’inventeur. C’est en relation et en dialogue avec leur travail qu’Anne Lafont tirera des fils, dressera des correspondances, saisira les échos entre les différentes formes qu’adopte l’esthétique Noire dans l’espace de l’Atlantique tel qu’il fut quadrillé par les trajectoires des bateaux négriers tout au long de la modernité.

 

Huey Copeland est professeur associé d'histoire de l'art à Northwestern University (Chicago). 

Ses recherches et son enseignement portent sur l'art moderne et contemporain, avec un accent sur les articulations du noir dans le champ visuel occidental.

Copeland est l'auteur de Bound to Appear: Art, Slavery, and the Site of Blackness in Multicultural America (2013).


Épisode 2

Mardi 9 février 2021, à 17h30

Parure

Dialogue avec Ellen Gallagher et Sarah Fila-Bakabadio

L’embellissement des corps par le tatouage, la scarification, le vêtement ou encore la joaillerie est l’une des constantes de l’expression artistique de l’Atlantique noir. Une grammaire ornementale se déploie de la tête aux pieds, à même le corps, de Saint-Louis du Sénégal en 1800 à Harlem dans les années 1970 et Amsterdam aujourd’hui.

 

Ellen Gallagher est une artiste afro-américaine, connue pour ses œuvres politiques dénonçant les stéréotypes vécus par les Afros-Américains.

Les questions d'identité raciale, de classe sociale et de genre sont cœur de son œuvre, qui se décline en peintures, dessins, collages et en films d'installations. 


Sarah Fila-Bakabadio est maîtresse de conférences en histoire américaine et africaine-américaine à CY Paris Université et chercheure au laboratoire AGORA.

Elle travaille sur les circulations culturelles, intellectuelles  et visuelles des Afro-descendants américains et français dans l'Atlantique noir (19e siècle–présent). Ses recherches portent notamment sur les nationalismes africains-américains, le corps noir, la beauté noire et les Black Studies. Elle est l’autrice de Africa on my Mind : Histoire sociale de l'afrocentrisme aux États-Unis (Paris, éd. Les Indes savantes, 2016). 


Épisode 3

Mercredi 10 février 2021, à 17h30

Océan

Dialogue avec Yasmina Ho-You-Fat et Tiphaine Samoyault

La traite des Africains réduits à la condition d’esclaves dans les plantations coloniales commence par le long séjour dans les cales des bateaux du commerce triangulaire. Ce passage du milieu a donné lieu à une abondante iconographie depuis le 18e siècle ; un de ses avatars contemporains est l’embarcation de fortune des migrants, au départ de ces mêmes côtes atlantiques. On écoutera des extraits d’Omeros de Derek Walcott qui avança que « Sea is History ».

 

Femme de culture, Yasmina Ho-You-Fat débute le théâtre avec la troupe du Centre socio-culturel de Mirza à Cayenne. Elle poursuit sa formation de comédienne à la Sorbonne Nouvelle puis à l’Alambic Studio auprès de Luc Charpentier.

Elle est la créatrice et l’organisatrice des Pitt à Pawol, rencontres littéraires et musicales, accueillant les écrivains les plus renommés des Amériques, de l’Afrique et de l’Océan Indien. Elle est également à l’initiative de Cinamazonia, festival de cinéma, qui se déroule en Guyane ainsi que du premier Salon du Livre de l’outre-mer au ministère de l’Outre-mer.

Tiphaine Samoyault est essayiste et enseignante. Ses recherches concernent en particulier la littérature mondiale et la théorie de la traduction.

Son dernier livre, Traduction et violence (Seuil, 2020), précise la façon dont la traduction joue un rôle dans la domination et les violences historiques tout en pouvant participer aussi de leur réparation. 


Épisode 4

Jeudi 11 février 2021, à 17h30

Chasse

Dialogue avec Mathieu Kleyebe Abonnenc et Sammy Baloji

Outre l’occupation des terres, l’accaparement des biens humains et non-humains par la collecte systématique de spécimens naturels, d’artefacts et d’individus est une constance de la conquête coloniale. Cette chasse se décline sous des formes diverses dont les artistes ont su le mieux montrer les ressources et les imbrications dans le projet colonial total. 

 

À travers une démarche multiforme qui comprend les activités d’artiste, de chercheur, de commissaire d’exposition et de programmateur de films, Mathieu Kleyebe Abonnenc s’attache à explorer les zones négligées par l’histoire coloniale et post-coloniale.

L’absence, la hantise et la représentation de la violence sont autant de thèmes abordés dans le travail de l’artiste qui procède par extraction et excavation, et œuvre à la réinscription, dans l’histoire collective, de personnalités et de matériaux culturels passés sous silence. 

Mathieu Kleyebe Abonnenc est par ailleurs doctorant en esthétique, sciences et technologies du Cinéma et de l’Audiovisuel à l’université Paris VIII Vincennes–Saint-Denis depuis 2020.


Depuis 2005, Sammy Baloji explore la mémoire et l’histoire de la République démocratique du Congo. Son travail est une recherche continue sur le patrimoine culturel, architectural et industriel de la région du Katanga, ainsi qu’une remise en question de l’impact de la colonisation belge.

Son regard critique sur les sociétés contemporaines constitue un avertissement sur la façon dont les clichés culturels continuent à façonner des mémoires collectives et permettent ainsi aux jeux de pouvoir sociaux et politiques de continuer à dicter les comportements humains.


Épisode 5

Vendredi 12 février 2021, à 17h30

Habitation

Dialogue avec Native Maqari et Simon Rouby

La planification architecturale et urbaine de la plantation coloniale est une synthèse de la théorie artistique de la perspective et de l’expérimentation de l’espace clos à ciel ouvert, telles qu’elles furent élaborées en parallèle des réflexions sur le panoptique. Les images témoignent de cette urbanité moderne que les artistes et les militants ont troublée, et qu’ils continuent de pervertir par le graffiti ou le renversement de l’esthétique oppressive des grands ensembles.

 

Né à Zaria, au Nigéria, Native Maqari est un artiste multidisciplinaire dont le travail couvre la vidéo, l'installation, la performance, la peinture et le dessin. Ce qui lie ces projets ensemble est son sens de la responsabilité politique et éthique plus que le choix du médium. Au début de son adolescence, alors qu'il vivait à Brooklyn, Native Maqari a découvert le monde souterrain du graffiti et a passé la décennie suivante immergé dans cette sous-culture. Il s'installe ensuite à Paris pour devenir l'un des membres du collectif d'avant-garde 1984.

Il a co-signé Blackout, présenté à la Villa Médicis à Rome, une performance vidéo en collaboration avec Simon Rouby qui explore l'équilibre délicat entre migration et travail. 


Né en 1980, Simon Rouby a fait ses classes une bombe de peinture à la main avant d’accéder à d’autres médiums comme la sculpture et la peinture. Il a étudié l'animation à la célèbre école des Gobelins à Paris ainsi qu'à CalArts à Los Angeles. Adama, son premier long métrage a été nominé aux César et aux European Film Awards parmi les meilleurs longs métrages d'animation en 2015, et a été depuis projeté dans plus de 180 festivals à travers le monde.

En 2016–2017, il est pensionnaire de la Villa Médicis à Rome où il commence à développer un ensemble d’œuvres utilisant l'installation vidéo. En 2018, il poursuit cette recherche aux îles Kerguelen comme lauréat de l'Atelier des Ailleurs, avant d'intégrer la Cité internationale des arts où il développe son prochain long métrage d'animation. 


Native Maqari et Simon Rouby présenteront leur création Alamjir au Centre Pompidou en juillet 2021.