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Gérard Garouste, l'intranquille

Placées sous le signe de l’étude mais aussi de la folie, la vie et l’œuvre de Gérard Garouste se nourrissent mutuellement en un dialogue saisissant. Avec ses grandes toiles figuratives, l'artiste revisite l’histoire de l’art à travers les genres de la peinture, qu’il cherche à épuiser. L'exposition qui lui est consacrée suit pas à pas le parcours et la mythologie personnelle de l’un des plus importants peintres français. Présentation par Sophie Duplaix, commissaire de l'exposition.

± 5 min

Gérard Garouste (né en 1946) se situe résolument au-delà des temps et des modes. Étudiant aux Beaux-arts de Paris à la fin des années 1960, sa lecture des entretiens de Marcel Duchamp avec Pierre Cabanne, après le choc qu’elle provoque, lui donne justement l’envie de braver l’interdit de la peinture à une époque où les pratiques conceptuelles sont de mise. Ainsi, il sera peintre, dans l’acception la plus traditionnelle du terme, s’attachant à la technique qu’il n’aura de cesse de perfectionner, en observant les maîtres au Louvre : Poussin, Le Greco, Le Tintoret… Après quelques détours, il se lance au début des années 1980, dans la réalisation de grands tableaux sous le signe de la mythologie grecque, à laquelle il superpose sa mythologie personnelle autour des figures du Classique et de l’Indien – l’apollinien et le dionysiaque – à l’œuvre, selon lui, en chacun de nous. Il revisite l’histoire de l’art à travers les genres de la peinture qu’il cherche à épuiser, tout en nous livrant d’impressionnants morceaux de peinture figurative. 

La Divine comédie de Dante, premier grand récit littéraire mobilisé par Garouste, donne naissance, après le milieu des années 1980, à un nouveau corpus, aux motifs en délitement et aux couleurs grinçantes. Le peintre se livre à une exploration picturale en osmose avec le célèbre texte décrivant la descente aux Enfers, jusqu’à faire basculer l’image dans une manière d’abstraction inédite. Mais La Divine Comédie est surtout pour Garouste une introduction aux différents niveaux de lecture biblique. Cette initiation prendra toute sa dimension à travers l’étude du Talmud et du Midrach, à laquelle se consacre l’artiste.

 

Sous-jacente à ses travaux artistiques à partir du milieu des années 1990, elle innerve ouvertement toute sa peinture dès les années 2000. La figure y devient lettre : elle surgit des récits jamais univoques de la tradition exégétique juive pour laquelle l’artiste, féru d’hébreu, se passionne toujours davantage jusqu’à en faire une constante de son œuvre. La question de l’interprétation des textes, qui selon cette tradition herméneutique, offrent une multiplicité de lectures, trouve un écho direct dans la proposition des sujets par le peintre, empruntés à la Bible ou aux œuvres littéraires d’écrivains tels Cervantès ou Kafka.

 

La peinture de Gérard Garouste ne se veut pas séduisante […]. C’est une peinture qui questionne sans relâche, bouscule les certitudes : une peinture qui dérange.

 

Pour Gérard Garouste, le sujet n’est cependant que prétexte à l’activation du regard et de la pensée. S’il livre quelques clés pour aborder ses peintures, il invite davantage à la réflexion, à une lecture personnelle de son œuvre. Forte de cette approche, la peinture de Gérard Garouste ne se veut pas séduisante. Elle ne craint ni les aberrations, ni les déformations, mutilations et recompositions de la figure. C’est une peinture qui questionne sans relâche, bouscule les certitudes : une peinture qui dérange, mais sur le mode d’un jeu dont les règles seraient sans cesse à réinventer. ◼