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Pionnier de la Figuration narrative, le peintre Bernard Rancillac est décédé

Le peintre et sculpteur français Bernard Rancillac est mort ce lundi à l’âge de 90 ans. Pionnier de la Figuration narrative, reconnaissable à sa palette haute en couleur, très engagé politiquement, il a apporté un regain d’énergie à la scène artistique française des années 1960. Les différentes toiles de la collection du Centre Pompidou en témoignent.

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Engagé dans ses écrits comme en peinture contre le système capitaliste et la censure, Bernard Rancillac, connu notamment pour ses affiches et slogans de Mai 68, a toujours refusé d'être qualifié « d'artiste politique ». L'une de ses dernières toiles monumentales, intitulée Enfer et Paradis, représente plusieurs figures politiques, George Bush, Margaret Thatcher, Adolf Hitler et Saddam Hussein dans une mise en scène suggestive du rapport entre dictature et démocratie.

 

Le marché de l’art n'échappe pas non plus à son regard critique. En 2015, lors d'une exposition à la Patinoire royale de Bruxelles, il inscrit au feutre « ceci est un faux » sur deux tableaux présentés comme les siens, ce qui donne lieu à un procès.

Après une enfance en Algérie et la Seconde Guerre mondiale, Bernard Rancillac étudie le dessin en France et effectue son service militaire au Maroc. Il commence à peindre tout en gagnant sa vie comme instituteur. En 1959, son premier contrat avec un collectionneur lui permet de quitter l'enseignement.

 

Dès 1961, celui qui devient, à 30 ans seulement, le lauréat du prix de peinture à la Biennale de Paris se libère des modes de son époque en introduisant dans ses toiles des allusions à la bande dessinée, au dessin animé ou au cinéma, devenues sa marque de fabrique. On y rencontre pêle-mêle des personnages de Walt Disney, des pin-up ou encore des logos publicitaires.

 

L’année 1964 marque un tournant pour le peintre. Il organise l’exposition « Mythologies quotidiennes » au Musée d’art moderne de la ville de Paris, avec les peintres Hervé Télémaque et Peter Foldès, où apparaît pour la première fois la notion de Figuration narrative en peinture – une forme de Pop Art à la française, satirique et virulent, venant bousculer une scène artistique alors dominée par une peinture lyrique à bout de souffle. Tout comme les autres représentants du genre, Hervé Télémaque, Valerio Adami ou Jacques Monory, Rancillac porte un regard aiguisé sur le monde. Ses armes : une peinture colorée et réaliste, volontiers acidulée, nourrie de nombreuses références.

 

Rancillac porte un regard aiguisé sur le monde. Ses armes : une peinture colorée et réaliste, volontiers acidulée, nourrie de nombreuses références.

 

 

Dans la deuxième moitié des années 1960, Rancillac a de plus en plus recours à des documents d’actualité qu’il intègre à ses toiles. Il y traite des grands sujets politiques et sociaux de son temps, il y pourfend les inégalités. Il dénonce l’intervention américaine au Vietnam, la misère de ce qu’on appelle encore les pays du « tiers-monde » et lutte contre tous les impérialismes et toutes les formes de discriminations.

 

Plus tard, de retour de la Havane, où il a participé à l'exposition « Le monde en question » en 1966, puis  au Salon de mai en 1968, il rejoint l’Atelier populaire des beaux-arts en mai 1968, au cœur de Paris. Il y crée plusieurs affiches sérigraphiques et slogans, dont certains demeurés célèbres.

 

Au cours des années 1970, Rancillac prend peu à peu ses distances avec le militantisme radical. En témoigne l'évolution de son iconographie, dans laquelle apparaissent, en 1974, la musique, avec la série « Jazz », puis, à partir de 1985, les stars du cinéma américain : l'imaginaire hollywoodien se substituera peu à peu aux images politiques. Peintre résolument populaire, c’est lui également qui, en 1983, a signé l’affiche du Tour de France. ◼