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Pleins feux sur le rideau de scène de « Parade » de Picasso, enfin restauré

Le fantasmagorique rideau de scène de Parade, peint en 1917 par Pablo Picasso pour le célèbre ballet éponyme de Serge de Diaghilev, se lève ce 31 août à l'opéra de Massy, lors d'une unique représentation. Après des mois de restauration, le chef-d'œuvre se laisse enfin pleinement admirer. Retour avec Véronique Sorano-Stedman, cheffe du service de restauration du Centre Pompidou, sur l'histoire de cette exceptionnelle création, abîmée par le temps mais ressucitée.

± 7 min

Lorsque, ce 18 mai 1917, le spectacle Parade des Ballets russes dirigés par Serge de Diaghilev est donné en première au théâtre du Châtelet à Paris, l'excitation du public est à son comble. En ces temps de guerre, la promesse d'une création rassemblant les plus grands talents de l'époque (Jean Cocteau à l'écriture de l'argument, Erik Satie à la composition musicale, Léonide Massine à la chorégraphie, Pablo Picasso aux décors et costumes) frappe les esprits. C'est aussi la première fois que la célèbre compagnie remonte sur scène à Paris depuis le début de la guerre. L'un des clous du spectacle est un superbe rideau de scène de dix mètres de haut et seize de large, peint par Picasso. Réalisée au début du mois de mai 1917, à l'horizontale, dans un studio des Buttes-Chaumont à Paris, l'œuvre est, comme il se doit, monumentale. On y voit notamment une jument ailée allaiter son poulain, un arlequin, un guitariste et une danseuse — autant d'éléments qui rappellent les périodes bleue et rose de l'artiste, avant le cubisme, dont les costumes reprennent le langage.

 

L'un des clous du spectacle est un superbe rideau de scène de dix mètres de haut et seize de large, peint par Pablo Picasso. Réalisée entre la fin avril et le début du mois de mai 1917, à l'horizontale, dans un studio des Buttes-Chaumont à Paris, l'œuvre est monumentale.

 

 

Lorsque le rideau tombe, à la fin du spectacle, applaudissements, mais aussi sifflets et quolibets fusent. Une partie du public est désarçonnée par l'irrésistible modernité de l'ensemble. Pourtant, Parade restera comme l'un des événements majeurs de l'histoire des arts du spectacle vivant au  20e siècle, Guillaume Apollinaire inventant même pour l'occasion le terme « sur-réaliste ».

Entrée dans la collection du Musée national d'art moderne en 1955, l'œuvre, parfois montrée dans des expositions à l’étranger, est exceptionnellement exposée ce 31 août, à l'occasion d'un concert unique qui permet d’écouter la musique de Satie devant le rideau de Parade  à l'opéra de Massy dans l'Essonne, et ce pour la première fois depuis la fin des Ballets russes en 1929. Déjà restaurée en 1986 et 2011, le rideau de scène de Parade vient de faire l’objet d’une nouvelle campagne de restauration grâce au mécénat de Perrier. Cette fois-ci, c'est l'aspect mécanique du rideau qui est pris en charge : en effet, la partie supérieure, qui supporte tout le poids de la pièce lors de son accrochage, présente des fragilités. Car depuis sa création en 1917, l'œuvre a vécu une histoire mouvementée. Passé de main en main, stocké à Buenos Aires durant la Seconde Guerre mondiale, le rideau était même tombé dans l’eau d’un port lors d'un déplacement de la troupe de théâtre !

 

Passé de main en main, stocké à Buenos Aires dans un garage à tracteurs durant la Seconde Guerre mondiale, le rideau était même tombé dans l'eau d'un port lors d'un déplacement de la troupe !

 

 

Pour Véronique Sorano-Stedman, qui a supervisé les travaux de restauration, « si l'œuvre est fragile, c'est parce qu'à l'origine il s'agissait d'un objet éphémère. En coton pour le fil de chaîne et jute pour la trame, il s'est beaucoup abîmé à la lumière. Pour ce qui est de la couche picturale, il s'agit d'une technique classique dite "à la colle", le liant est une colle animale diluée dans des pigments. C'est une technique très ancienne, déjà connue au Moyen-âge, qui donne une peinture aux couleurs fraîches et mates ». Avec le temps, les couleurs ont néanmoins pâli et de larges auréoles sont apparues. En 1923, des courriers entre Diaghilev et Picasso montrent que le chorégraphe avait demandé à l'artiste de reprendre les couleurs du rideau de Parade. Ce qu'il avait refusé de faire, satisfait de l'aspect « fresque » de l'ensemble. En effet Picasso revenait, enchanté, d'un voyage à Pompéi. Pour ne rien arranger, le rideau fut longtemps stocké plié (aujourd'hui il est conservé sur un immense rouleau).

 

En 1923, des courriers entre Diaghilev et Picasso montrent que le chorégraphe avait demandé à l'artiste de reprendre les couleurs du rideau de Parade. Ce qu'il a refusé de faire, satisfait de l'aspect « fresque » de l'ensemble.

 

 

Véronique Sorano-Stedman : « Lorsqu'elle est entrée en collection en 1955, l'œuvre présentait déjà des traces de réparation, des pièces grossières en coton appliquées pour boucher les trous. Une restauration complète a été effectuée en 1986. Puis en 2011, lorsque je suis arrivée dans le service, nous avons travaillé au pastel pour une retouche légère des taches claires. Le rideau a ensuite été présenté au Centre Pompidou-Metz, pour l'exposition « 1917 » (en 2012). Pour cette dernière intervention, après des tests de résistance mécanique, un système pour soulager le poids dans la partie supérieure du rideau a été trouvé. Car le rideau pèse pèse soixante kilos ! Véronique Sorano-Stedman précise : «  Il s'agit d'un filet de densité variable, qui, noué tous les sept centimètres au rideau, compense le problème lié à la charge ». Le fantastique rideau de Parade a enfin retrouvé toute sa splendeur. Que le spectacle commence ! ◼

Restauration du rideau de scène du ballet « Parade »

 

La ville de Massy, l’opéra de Massy, le département de l’Essonne et le Centre Pompidou s’associent pour développer un programme d’actions culturelles liées à la campagne de restauration du rideau de scène du ballet Parade. Cette opération s’inscrit dans le cadre des actions de préfiguration du futur pôle francilien de conservation et de création du Centre Pompidou à Massy. 

Née d’une collaboration entre différents artistes de disciplines diverses, Parade donne le thème de la saison 2022-2023 de ce programme de préfiguration : le collectif à l’œuvre. Cette saison, la question du corps en mouvement occupe une place centrale, vecteur de la mobilité dont nous avons été privés pendant la pandémie. Par le spectacle vivant et les arts plastiques, elle est une invitation à rêver autour du projet Parade, et d’une figure majeure de l’histoire de l’art, Pablo Picasso, avec notamment le spectacle du danseur et chorégraphe Kader Belarbi.

 

 

Agenda


Tous les jours à 16h (sauf le dimanche 28 et le lundi 29 août), sur réservation.

24 - 31 août 2022
Présentation du rideau du ballet Parade à l’opéra de Massy
Visite commentée : présentation du rideau et des enjeux de la restauration
Durée : 45min


Rencontres
24 août 2022, 18h, opéra de Massy
Histoire et analyse d’une oeuvre : le rideau de Parade par Pablo Picasso
Par Christian Briend, conservateur et chef du service des collections modernes, Centre Pompidou


26 août 2022, 18h, opéra de Massy
Histoire d’une restauration
Par Véronique Sorano, cheffe du service de la restauration des œuvres, Centre Pompidou
En partenariat avec l’université Paris Saclay


26 - 28 août 2022, 18h, opéra de Massy
Intervention de Kader Belarbi, danseur et chorégraphe et Christian Briend


31 août 2022, 20h
Soirée exceptionnelle avec l’orchestre de Massy sous la direction de Constantin Rouits
Picasso et les ballets russes
Durée : 1h20 environ

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