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Fernand Léger, « La Lecture », 1924 - repro oeuvre

Plongée dans l'âge d'or des galeries parisiennes

Avec ce second cycle de l'accrochage « Galeries du 20e siècle », qui est une plongée dans le Paris des galeries d'art de 1905 à 1960, le Centre Pompidou poursuit son hommage aux grands marchands d’art moderne et contemporain. Retour sur la sélection des neuf galeries présentées cette année, qui ont joué un rôle historique sur les développements de l'« art vivant », et dont l'histoire a partie liée avec celle du Musée.

± 7 min

Apparues à la fin du 19e siècle, les galeries sont rapidement devenues des intermédiaires indispensables entre les créateurs et le public. En prenant sous contrat les artistes, soustraits ainsi au relatif anonymat des Salons annuels, et en assurant la diffusion de leurs œuvres, elles sont rapidement devenues des instruments essentiels de légitimation artistique. Au 20e siècle, les galeries ont ainsi joué un rôle capital pour la reconnaissance des mouvements artistiques successifs, depuis le fauvisme et le cubisme jusqu’au Nouveau Réalisme et bien sûr au-delà.

 

 

Succédant à Ambroise Vollard, à Daniel-Henry Kahnweiler, à Jeanne Bucher, à Louis Carré, à Daniel Cordier, à Denise René ou à Iris Clert présentés en 2019, lors du premier cycle, ce sont aujourd’hui neuf nouveaux marchands – dont deux femmes – qui font l’objet de ces dossiers.

Pour la période de l’entre-deux-guerres, deux d’entre eux, aux positionnements très différents, ont été retenus, Léonce Rosenberg et Pierre Loeb. Le premier, qui se fait d’abord connaître comme successeur de Kahnweiler dans la défense du cubisme, assure bientôt avec sa galerie L’Effort moderne (1918-1941) la défense d’une certaine abstraction géométrique. Le second commence par faire de la galerie Pierre (1924-1964) le lieu de ralliement des peintres surréalistes, à commencer par Joan Miró, mais, porté par un instinct très sûr, il s’intéressera à nombre d’artistes essentiels du 20e siècle, présents à Paris.

 

Après 1945, les galeries se multiplient dans la capitale et il a fallu faire des choix parfois douloureux dans un paysage marchand extraordinairement riche. Nées juste après la Seconde Guerre mondiale, la galerie Nina Dausset (1946-1954) a fait l’histoire en 1951 avec une exposition mythique, « Véhémences confrontées », tandis que celle, atypique, de Colette Allendy (1946-1960) défendait Raymond Hains ou le tout jeune Yves Klein. Ni l’une, ni l’autre n’a connu la longévité – ni le succès – de la galerie Maeght (toujours active depuis 1945), qui aura notamment assuré la promotion de ces grands « classiques du 20e siècle », que l’on devait retrouver à la fondation créée par Aimée et Marguerite Maeght en 1964.

Quant au Studio Paul Facchetti (1951-1979), héraut de l’abstraction informelle et matiériste, il est resté fameux pour avoir accueilli dès 1952 la première exposition personnelle de Jackson Pollock en Europe. Partageant à ces débuts un même intérêt pour la peinture, la galerie Stadler (1955-1999) s’oriente de façon décisive vers l’art corporel à partir des années 1970. Au même moment, la particularité de la galerie Karl Flinker (1960-1985) réside dans son soutien à de jeunes artistes abstraits, puis figuratifs, parallèlement à la présentation de leurs grands prédécesseurs, désormais historiques, comme Paul Klee ou Vassily Kandinsky. Enfin, et malgré la brièveté de son existence, la galerie Givaudan (1967-1970) aura proposé des expositions dans le domaine des arts plastiques comme du film expérimental, tout en développant une politique éditoriale particulièrement novatrice.

Certes, et pour diverses raisons, de grandes galeries de l’époque manquent à l’appel sur ces deux années (la galerie Drouin, la galerie Arnaud, la galerie Jean Fournier pour n’en citer que trois). De fait, on a privilégié les galeries dont l’histoire avait partie liée avec celle du Musée national d'art moderne, dont les artistes étaient particulièrement représentés dans les collections et dont les œuvres, le plus souvent possible, avaient été exposées pour la première fois par ces grands marchands. Pour ce faire, les différents commissaires ont donc dû passer les collections du Musée au crible de ces nouveaux critères, peu explorés jusqu’à présent, ce qui a suscité nombre de redécouvertes, désormais partagées avec les publics de ces dossiers.

 

Une autre donnée, essentielle, ayant présidé à cette sélection, fut la présence au sein de la bibliothèque Kandinsky, dont les équipes ont été étroitement associées au projet, d’importants fonds d’archives provenant de ces mêmes galeries. C’est le cas depuis longtemps des extraordinaires archives de Léonce Rosenberg, mais aussi, et depuis peu, de celles du studio Facchetti et de la galerie Givaudan qui viennent, avec plusieurs autres, d’entrer dans les collections du Centre Pompidou.

 

En tentant de résumer l’histoire de ces galeries en une unique salle dédiée à chacune (une vraie gageure !), à laquelle s’ajoute parfois une « traverse », ces expositions-dossiers poursuivent un double but : rendre hommage aux grands galeristes du siècle dernier et relire les collections du Musée national d'art moderne à la lumière de ses relations historiques avec le marché de l’art, alors à son âge d’or. ◼

Pour l'occasion, les Cahiers du Musée national d'art moderne publient un hors-série qui réunit tous les galeristes auxquels ces dossiers ont rendu hommage sur deux années. Apparaissant dans l'ordre chronologique de l'ouverture de leur galerie, chacun d'eux bénéficie d'une notice historique accompagnée d'une sélection d'œuvres du Centre Pompidou passées entre leurs mains.

Coordinateur 
Christian Briend

 

Commissaires
Aurélien Bernard, Christian Briend, Ariane Coulondre, Sophie Duplaix, Mica Gherghescu, Julie Jones, Valérie Juilliard, Anne Lemonnier, Philippe-Alain Michaud, Camille Morando