Dachau
1945

Dachau
1945
Domain | Dessin |
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Techniques | Encre sur papier |
Dimensions | 31,7 x 21,6 cm |
Acquisition | Don de l'artiste, 1995 |
Inventory no. | AM 1995-330 |
Detailed description
Artist |
Zoran Music
(1909, Autriche-Hongrie - 2005, Italie) |
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Main title | Dachau |
Title given | Pendu |
Creation date | 1945 |
Domain | Dessin |
Techniques | Encre sur papier |
Dimensions | 31,7 x 21,6 cm |
Inscriptions | Signé, titré et daté en bas à gauche : Music / Dachau / 1945 |
Acquisition | Don de l'artiste, 1995 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1995-330 |
Analysis
En 1943 et 1944, Zoran Mušič est déjà le peintre des vues vénitiennes et des paysages dalmates aux petits chevaux. Sa période d’apprentissage est marquée par la primauté du silence, de la solitude et du sacré : les collines dénudées du Karst, terre de son enfance ; les icônes hiératiques et les ors byzantins de Venise, qu’il rejoint en 1943. De ses voyages à Vienne et à Madrid, il a retenu la préciosité, la morbidité des œuvres de Klimt et de Kokoschka ; les chairs et les ciels tourmentés du Greco, et les peintures noires de Goya. Mais il est un autre apprentissage, plus grave : celui de Dachau – que Mušič qualifie de « grande leçon » pour sa peinture. En 1944, à Venise, il est arrêté par la Gestapo, soupçonné de complicité avec une organisation antinazie de Trieste. Son refus de collaborer signe sa déportation. Mušič passe un an à Dachau. À quelques semaines de la libération du camp, surgit la nécessité de dessiner : « Tout en dessinant, je m’agrippais à mille détails. Quelle tragique élégance dans ces corps fragiles. Des détails si précis : ces mains, ces doigts minces, les pieds, les bouches entrouvertes dans la tentative extrême de happer encore un peu d’air. Et les os recouverts d’une peau blanche, à peine un peu bleuie. Et la hantise de ne point trahir ces formes amoindries, de parvenir à les restituer aussi précieuses que je les voyais, réduites à l’essentiel. Comme broyé par je ne sais quelle fièvre, dans le besoin irrésistible de dessiner afin que cette beauté grandiose et tragique ne m’échappe pas. »
Les dessins de Dachau, par leur précision, leur tremblement, rendent témoignage de l’horreur, de l’insoutenable et fascinante beauté des morts – « Car le beau n’est rien que le premier degré du terrible. […] Tout ange est effrayant » (Rilke, Élégies de Duino ). Le crayon revient sur les détails du corps, les points les plus sensibles par où la vie s’enfuit (la bouche, le sexe, les orbites), pour les mémoriser encore. Mušič arrache les pages des livres de la bibliothèque du camp et dilue quelques gouttes d’encre pour dessiner, dans le secret de l’infirmerie – puis à l’extérieur, une fois le camp libéré. Lorsque les troupes américaines entrent à Dachau en avril 1945, la plupart des dessins, dans leurs cachettes, sont réduits en fumée. Une trentaine subsiste, sur les deux cents réalisés.
Mušič vit son retour à Venise comme un éblouissement. Sa peinture retourna aux Motifs dalmates , aux Paysages siennois , aux Portraits , désormais dépouillés de tout pittoresque, retenant l’essentiel. À partir de 1970, le cycle Nous ne sommes pas les derniers livre à nouveau la leçon de Dachau. Auréolés de brumes, de terre, d’abîme, les morts semblent trouver, dans ces sépultures, le repos.
Anne Lemonnier
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008