Crayon - pencil

De 1956 à 1966, Jean Dupuy produit une peinture lyrique gestuelle abstraite. Il part vivre aux États-Unis en 1967 et décide alors de cesser cette pratique artistique. Là, il remporte un concours international pour participer à un programme initié par le E.A.T. ( Experiments in Art and Technology ), qui s’adresse à des artistes et à des ingénieurs désireux de développer des projets mariant art et technologie. Il réalise alors des œuvres comme Heart Beats Dust (Cone Pyramid) , 1968, une sculpture de poussière activée par les pulsations cardiaques des spectateurs, captées et amplifiées. Crayon-Pencil consiste en une installation cinématographique qui associe à un film Super 8 le collage d’un crayon gomme avec mine et copeaux. Cette installation est à proprement parler un « film-objet » puisqu’elle comprend à la fois un film et l’objet de ce film. On voit à l’écran en gros plan la mine d’un crayon progressivement mise à nue par l’artiste à l’aide d’un couteau au-dessus d’une feuille de papier. Fragile, la mine se brise, puis l’action reprend. Elle est interrompue à plusieurs reprises par des essais d’agencements du crayon, de la mine et des copeaux sur la feuille, jusqu’à ce que la composition soit fixée par l’artiste, qui la colle. Ainsi sont exposés avec le film les éléments réels résultant de l’action. Crayon-Pencil est une œuvre subtile qui, avec des moyens modestes, parvient à provoquer un réel suspens chez le spectateur. Le thème de la mine et du crayon est présent dans d’autres œuvres à travers lesquelles Jean Dupuy développe son concept de lazy art (« art paresseux »), un art autocréatif dans lequel l’artiste ne contrôle pas la forme finale de l’œuvre, dont le processus de création est soumis aux lois du hasard.

Fanny Drugeon

Source :
Extrait du catalogue Collection art contemporain - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Sophie Duplaix, Paris, Centre Pompidou, 2007