Alice
printemps 1933 - été 1933
Alice
printemps 1933 - été 1933
Exhibited at the Galerie Pierre in 1934, as La Toilette de Cathy, Alice convokes a more frontal and disturbing erotism, but also fueled with strangeness.
The figure, whose model is Betty Holland, wife of Pierre Leyris, friend of the artist, disconcerts by its nude body with child-like feet, its face with a blind and unconscious look, that contrast with the adult sex crudely offered to the look, "a piece of painting of such an exact precision, of such an intense carnality", quoting the critic Pierre Jean Jouve, that it places irremediably the viewer in the uncomfortable position of a voyeur.
Domain | Peinture |
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Techniques | Huile sur toile |
Dimensions | 162,3 x 112 cm |
Acquisition | Achat avec l'aide du Fonds du Patrimoine, 1995 |
Inventory no. | AM 1995-205 |
Detailed description
Artist |
Balthus (Balthasar Klossowski de Rola, dit)
(1908, France - 2001, Suisse) |
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Main title | Alice |
Former title | Alice dans le miroir |
Creation date | printemps 1933 - été 1933 |
Domain | Peinture |
Techniques | Huile sur toile |
Dimensions | 162,3 x 112 cm |
Inscriptions | S.D.B.G. à la peinture noire : Balthus 1933 |
Acquisition | Achat avec l'aide du Fonds du Patrimoine, 1995 |
Collection area | Arts Plastiques - Moderne |
Inventory no. | AM 1995-205 |
Analysis
Plus choquante encore que celle de La Leçon de guitare, pourtant reléguée dans l’arrière-salle de la galerie Pierre, la nudité d’ Alice (cat. rais. n° P 71) a fait passer les spectateurs de la première exposition personnelle de Balthus, en avril 1934 (il avait 26 ans), de l’autre côté du miroir, les transformant en « voyeurs ».
Par avance, le jeune peintre avait justifié sa volonté d’exposer des tableaux érotiques. Il écrit à Antoinette de Watteville, le 1er janvier 1934 : « D’ailleurs aujourd’hui l’érotisme dans un art est la seule chose qui fasse encore sursauter les pantins dont je te parlais tout à l’heure. La réaction en général se manifeste sous la forme de scandale ou de censure. Tant pis, ou plutôt tant mieux, rien ne peut me faire plus plaisir car je suis de ceux qui savent encore payer de leur corps » (coll. part.). Il tient cependant à distinguer l’érotisme de l’obscénité et, en envoyant à Antoinette la photographie d’Alice au miroir, le 24 janvier, il lui indique encore : « Quant au nu qui, j’en suis bien fâché, a scandalisé Robi, je ne crois pas non plus qu’il soit obscène et je crois que l’atmosphère grave et sévère qui s’en dégage fait que même une jeune fille peut le regarder sans rougir (le miroir c’est le spectateur) ».
Ce nu est d’autant plus dérangeant qu’il est réalisé (au moins pour le visage) d’après un modèle bien identifié : il s’agit d’une jeune Anglaise aux grands yeux bleus, Betty Holland, que Balthus connaissait depuis 1931, et qui avait épousé en 1932 un de ses meilleurs amis, Pierre Leyris. Il avait passé l’hiver 1932-1933 chez le jeune couple, et avait peint alors plusieurs portraits de l’un et de l’autre, le plus connu étant celui où la jeune femme joue au bilboquet (Pierre et Betty Leyris, 1932-1933, coll. part.). Tout à fait reconnaissables donc, le charmant visage et la blondeur de Betty-Alice sont, en contradiction, étrangement inquiétants avec le sein trop lourd et la taille trop fine (véritable poncif pornographique), avec les jambes épaisses et les petits pieds enfantins, chaussés de ballerines bleues, avec surtout ce « morceau de peinture d’une si exacte précision, d’une charnalité si intense » (Pierre Jean Jouve, Le Tableau (Proses), Paris, Mercure de France, 1960, p. 45-47) qu’est le sexe adulte offert à la vue au centre de la toile, auquel le regard revient toujours avec le même trouble.
Inquiétants encore les yeux délavés, comme aveugles, et les cheveux de noyée, qui évoquent une revenante, une figure déplacée, hors du temps et de l’espace ordinaires (en dépit des quelques objets parfaitement banals qui l’entourent), une créature peut-être bien maléfique, à la manière des Kitsune de la tradition japonaise. Ainsi l’envisagea son premier propriétaire, le poète Pierre Jean Jouve, qui pendant plus de vingt ans, à partir de 1935, s’est laissé posséder (envoûter ?) par cette nouvelle Alice : « La pensée d’Alice devenait continuelle, épuisante, monotone, d’autant plus puissante que le physique d’Alice me repoussait. Lorsque j’eus compris qu’Alice voulait faire l’amour avec moi, je me sentis essentiellement effrayé. Le sadisme de cette image voulait de moi la chair et l’esprit ».
Isabelle Monod-Fontaine
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007