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Introduction

Art et écologie

Green Power !

Green Power ! Ce cri d’alerte lancé par Öyvind Fahlström et Nicolás Uriburu synthétise l’intention des artistes engagés dans la cause écologique. Les pionniers font figure de lanceurs d’alerte. « Antennes sensibles de l’espèce »1 , ils s’emparent du thème bien avant que les consciences citoyennes ne s’éveillent. Ils investissent la sphère publique munis d'un projet pédagogique et social. Ils sont indépendants et pluridisciplinaires, agissent hors du champ économique. Leur position d'exception serait favorable à l'émergence de solutions environnementales innovantes. Graham Stevens, formé à la psychologie de la perception, crée à la fin des années 1960, une nouvelle forme d’habitat, merveilleux, autonome, alimenté en énergies renouvelables.

La nouvelle génération intègre de nouvelles problématiques et la technologie la plus avancée. Les plasticiens font même figure de chercheurs. Erik Klarenbeek, en 2018, met au point une chaise féérique, entre la sculpture et le siège, au moyen de matériaux renouvelables et compostables. Ces œuvres illustrent un art qui « nous aide à comprendre notre époque et à imaginer notre proche avenir »2

 

Activisme artistique

Les artistes veulent nous toucher directement. Ils rédigent des communiqués, des lettres ouvertes ; ils s’engagent dans des associations, des partis politiques ou mènent des actions concrètes dans la sphère publique. En 1972, Tetsumi Kudo s’envisage ainsi comme un journaliste maniant des outils pédagogiques dans le but de stimuler le public. Nicolás Uriburu publie, en 1971, une lettre ouverte dans le quotidien La Nación pour protester contre l’abattage d’arbres sur une place de Rio de Janeiro. Les documentaires de l’artiste activiste Amar Kanvar utilisent le ressort de l’émotion esthétique pour toucher le spectateur. 
Ces acteurs de la scène artistique environnementale, en investissant la sphère sociale, rencontrent des succès mais également de l’incompréhension, voire même des tracas. Ils se mettent en danger : Frans Kracjberg est menacé de mort, Graham Stevens renvoyé à Londres par la police d’Amsterdam, Uriburu interrogé par la police de Venise, après sa première coloration vénitienne. En colorant les eaux, dénonce-t-il leur impureté ou au contraire les pollue-t-il ? Ces difficultés peuvent même les amener à abandonner le sujet : Kudo s’en détourne en 1978 ; Graham Stevens, submergé par les problèmes administratifs, se tourne vers une carrière juridique.


Le cas de la faune

Artistes et publics sont confrontés à une nouvelle épreuve : faire face à une crise inédite. Nous avons subi un confinement à l’échelle mondiale. La cause de ce bouleversement consiste en une contamination due à la prédation inappropriée de l’homme sur une espèce animale qu’il n’a pas vocation à côtoyer. Beuys dénonce très tôt cette relation déréglée de l’homme à la faune. Il crée en 1965 le Parti des animaux, préfiguration des partis politiques écologiques (il sera membre fondateur de Die Grünen) et acteur de l’évolution du statut juridique des animaux. 


Il ne s’agit pas d’assigner une mission utilitaire à l’art ou une obligation de résultat aux artistes. On peut cependant s’interroger sur la possibilité d’une interaction sensible entre l’artiste et le spectateur. Les œuvres sont-elles l’occasion d’un renouvellement de la fonction sociale de l’artiste, d’une rencontre avec le public – contact que les avant-gardes historiques avaient appelé de leurs vœux ? Ou relèvent-t-elles du domaine de l’utopie ?

Au public de leur apporter un élément de réponse : l’une des œuvres proposées dans ce dossier pourrait-elle nourrir sa relation à la nature ?

 

Isabelle Hermann

 

1. Expression de Marshall Mac Luhan. 
2. Citation tirée de Fanny Drugeon, « Portrait. Anne Tronche » in Critique d’art  n°24, automne 2004 – consulté le 31 aoùt 2022.

 


Isabelle Hermann est auteure d'une thèse Green Power ! L'art écologique a-t-il un impact social mesurable ? Formulations plastiques et militantes,

des années 1960 à 1986, soutenue en 2015 à l'Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, sous la direction de Philippe Dagen.