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Mathis Collins, clown artiste

Alors que vient de commencer sa première exposition parisienne, le jeune sculpteur et performeur Mathis Collins, né en 1986, investit le Forum du Centre Pompidou le temps d'une journée. Son jeu du massacre, créé spécifiquement pour l'occasion, est tout à la fois manège, carrousel et stand de tir. Surplombée par des poupées oscillant au bout de grandes piques et narguant le public, l’installation renvoie aux galeries de portraits et de caricatures politiques sur lesquels on tirait lors des fêtes foraines. Entretien.

± 4 min

Ce Jeu du massacre est ici activé tout au long de la journée par un clown qui ressemble étrangement à ses cibles. Un combat s’engage entre l’artiste et la marionnette pour savoir lequel des deux restera debout. Composé comme un recueil en sept chapitres, sept poèmes sont récités de l’ouverture à la fermeture du Centre Pompidou.

 

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D’où tirez-vous cet intérêt pour le vernaculaire, pour les arts populaires, forains ?
 

Mathis Collins — J’aime cette époque où l’auteur se cachait derrière le masque. C’est Polichinelle, c’est la commedia dell’arte, c’est le théâtre de marionnettes. Le masque revêt un rôle social, on met un masque pour le début du défilé, du carnaval. Polichinelle organisait le carnaval. C’est lui aussi qui y mettait une fin. Son rôle est ambivalent, comme l’est celui de l’artiste : d’une part il participe à la transformation, à la remise en cause d’un système social, d’autre part il le légitime. Tout comme le clown, une figure clef de mes performances. Populaire, il est aussi un personnage anonyme. Il est devenu mime, il est devenu guignol sous la censure. C’est la censure et ses contraintes qui ont permis à de nouvelles formes d’éclore et de voyager. Les arts forains étaient de véritables musées mobiles, ils allaient à la rencontre des gens, partout sur le territoire. C’est eux qui ont fait connaître le cinéma dans les campagnes.

 

Le rôle de Polichinelle est ambivalent, comme l’est celui de l’artiste : d’une part il participe à la transformation d’un système social, d’autre part il le légitime.

Mathis Collins

 

Je suis attaché à ce côté populaire. Le bois de mes bas-reliefs, par exemple, est le matériau de l’art populaire par excellence. Le rapport entre art et artisanat m’intéresse, comme la pratique artistique ouvrière. Le décloisonnement, c’est très important pour moi. J’ai commencé mon travail d’artiste dans les bars, où je faisais du slam et de la poésie.

 

Quel sens donnez-vous à votre travail ?
 

Mathis Collins — Tous les personnages, les bouffons que j’interprète me permettent beaucoup d’autodérision ; à travers moi, c’est la figure de l’artiste que je critique. J’endosse tous les rôles, tantôt flic, tantôt clown, ce qui me permet d’utiliser cet humour assez propre à la comedia, assez vulgaire, assez grotesque, au nom de la critique institutionnelle. 

 

Qu’allez-vous présenter au Centre Pompidou ?
 

Mathis Collins — Le Jeu du massacre est un stand de tir forain où l’on tire sur des personnages politiques figurés artistiquement. En se déplaçant de région en région, ce jeu permettait autrefois de faire connaître le visage des politiques. Dans la version que je propose au Centre Pompidou, tous les personnages me représentent. J’ai remplacé les têtes en porcelaine originales de dizaines de poupées par mes propres têtes moulées en plâtre de porcelaine. C’est important que cette performance de dix heures se passe dans le Forum. C’est un lieu emblématique. D’ailleurs, pour la petite histoire, alors étudiant aux beaux-arts, j’étais venu vendre des caricatures d’artistes faites sur Photoshop sur la Piazza. Alors vous voyez, pour moi, bouffonner à Beaubourg veut dire beaucoup ! ◼