Profil à la fenêtre
1918

Profil à la fenêtre
1918
Domain | Dessin |
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Techniques | Mine graphite, gouache et encre sur carton |
Dimensions | 22 x 16,8 cm |
Acquisition | Dation, 1988 |
Inventory no. | AM 1988-209 |
Detailed description
Artist |
Marc Chagall
(1887, Empire Russe - 1985, France) |
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Main title | Profil à la fenêtre |
Creation date | 1918 |
Domain | Dessin |
Techniques | Mine graphite, gouache et encre sur carton |
Dimensions | 22 x 16,8 cm |
Inscriptions | Signé et daté en bas à gauche à l'encre : Chagall / 918 |
Acquisition | Dation, 1988 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1988-209 |
Analysis
En 1917, la révolution d’Octobre et la prise du pouvoir par les bolcheviks engendrent l’espoir de créer en Russie une société nouvelle. Emporté par la vague révolutionnaire, Chagall endosse des responsabilités officielles. Pressenti pour être responsable des arts au nouveau ministère des Affaires culturelles, il devient en août 1918 le commissaire aux Arts de la région de Vitebsk. Les œuvres de cette période, créées dans l’enthousiasme de servir le nouveau projet politique, sont marquées par l’esthétique abstraite de l’avant-garde russe contemporaine. S’inscrivant dans une importante production d’autoportraits, Chaga [Pas en avant] et Profil à la fenêtre se distinguent par une simplification radicale et par la géométrisation des formes. Dans Chaga, qui rappelle le trait d’esprit de Maïakovski – « Plaise à Dieu que chacun chagalle (« marche à grand pas », en russe) comme Chagall » –, le répertoire iconographique propre à Chagall (l’auge, la maison, l’acrobate ainsi que la fenêtre, que l’on retrouve dans Profil à la fenêtre) s’enrichit d’éléments expérimentaux : l’emploi cubiste de lettres, l’impression de dentelle à l’encre, tout comme les formes géométriques évoquant l’art suprématiste et constructiviste.
Quelques mois plus tard, violemment opposé à Malevitch, nommé enseignant dans la même école que lui en novembre 1919, Chagall se retire et part pour Moscou en mai 1920, afin de travailler aux décors du nouveau Théâtre d’État juif, fondé en 1919. Chagall, qui a eu comme professeur Léon Bakst, a déjà travaillé avec ce dernier au décor de Narcisse et Écho pour les ballets de Diaghilev, en France, en 1910. Sollicité en 1919 par le Théâtre d’essai de l’Ermitage à Pétrograd et par le Théâtre satirique révolutionnaire de Moscou, il a aussi réalisé des maquettes pour plusieurs œuvres de Gogol : Le Mariage, Les Joueurs et Le Revizor. En 1920, il reçoit commande des décors et des costumes pour une soirée de trois courtes pièces, Les Agents, Mazeltov et Le Mensonge, écrites par Sholem Aleichem. L’artiste livre pour la première un décor à l’efficace simplicité. L’écriture hébraïque, peinte sur le décor et les costumes, confirme l’importance de la langue populaire, le yiddish, qui s’affirme face à l’hébreu – comme le nouveau théâtre juif s’affirme au Habima, théâtre classique érudit. Chagall, emporté par son perfectionnisme, intervient dans la mise en scène et le jeu des acteurs, et va jusqu’à peindre les costumes sur les comédiens avant leur entrée sur scène. Par ce décor géométrique et surnaturel, il scelle la rencontre d’un auteur, d’un peintre et d’une langue autour de la renaissance du théâtre juif. L’année suivante, il propose au théâtre de Stanislavski un projet de décor pour Le Baladin du monde occidental du dramaturge irlandais John Synge. La scène, qui semble basculer vers le public, est surmontée d’un univers fantaisiste : une chèvre jaune sur une échelle, un Christ crucifié la tête en bas, deux bouteilles, un serpentin rouge, etc. Les couleurs primaires, la force du contraste entre le noir du fond et le blanc du décor rappellent les peintures contemporaines de Malevitch. Trop éloigné du monde réel, ce décor fantastique ne sera pas monté. Chagall va pourtant encore plus avant, touchant aux limites de l’abstraction : Collage, réalisé avec du papier moiré, marbré et peint, un carton d’invitation et une photographie, ne renvoie à rien d’autre qu’à lui-même. Jeu de formes, de textures et de couleurs fortement structuré par la dynamique d’une barre diagonale, il doit au cubisme l’emploi de lettres, ici cyrilliques et hébraïques, et de matériaux bruts choisis pour leurs qualités esthétiques ; et au constructivisme, il emprunte ses formes abstraites, mêlant à la rationnelle géométrie l’élégance de motifs raffinés.
De plus en plus isolé, Chagall quitte définitivement son pays en 1922 et écrit dans Ma Vie, autobiographie qu’il achève peu avant son départ : « La seule chose que je désire, c’est faire des tableaux et encore quelque chose. Ni la Russie impériale, ni la Russie des Soviets n’ont besoin de moi. Je leur suis incompréhensible, étranger » (p. 247). Déçu, il ne reviendra dans son pays qu’à une seule reprise, en 1973. Reste de cette période d’euphorie un ensemble de dessins où son art, mis au service d’un projet collectif, s’ouvre aux formes abstraites de l’avant-garde russe pour contribuer à l’avènement d’une société nouvelle et à l’affirmation de la culture juive.
Isabelle Limousin
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliography
CASSOU (Jean).- Chagall.- Londres : Thames and Hudson, 1965 (Cat. n° 77, reprod. nb p. 123)
KAMENSKI (Alexandre).- Chagall : période russe et soviétique 1907-1922.- Paris : éd. du Regard, 1988 (reprod. coul. p.290)
Kagan (Andrew).- Marc Chagall.- New York : Abbeville Press, 1989 (Cat. n° 33, reprod. nb p. 44)
MEYER (Franz).- Marc Chagall - Paris : Flammarion, 1995 (Reprod. nb p. 305) . N° isbn 2-08-011765-3
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Collection art graphique : [Catalogue de] La collection du Centre Pompidou, Musée national d''art moderne - Centre de création industrielle, (Sous la dir. d''Agnès de la Beaumelle).- Paris : Editions du Centre Pompidou, 2008 (cit. et reprod. coul. p. 106-107) . N° isbn 978-2-84426-371-1
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Chagall. Modern Master : Zurich, Kunsthaus, 8 févr.-12 mai 2013 ; Liverpool, Tate, 7 juin-6 oct. 2013.- Zurich, Zürcher Kunstgesellschaft Kunsthaus / Ostfildern, Hatje Cantz Verlag, 2013 (cat. n° 62, cit. p. 188, reprod. coul. p. 137) . N° isbn 978-3-906574-83-7
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