Maison et arbres

Début mai 1918, Matisse s'installe villa des Alliés, petite avenue du Mont Boron. Située à la périphérie de Nice, la villa possède une vue sur la mer, un accès direct aux collines boisées du Mont Boron et du Mont Alban. Matisse y réalisera une série de toiles sur le motif parmi lesquelles La Villa bleue; Grand paysage, Mont Alban ou Les Eucalyptus entre les arbres1

Le dessin Maison et arbres semble se rapporter à ce printemps 19182 et représenter la résidence de Matisse ou l'une des villas avoisinantes dont les jardins d'eucalyptus et d'oliviers dominaient cette partie de la baie. Il peut, d'ailleurs, être rapproché du croquis illustrant une lettre de Matisse à Camoin écrite à la villa des Alliés et datée du 23 mai 1918 : « J'ai travaillé tous ces temps-ci en plein soleil de dix heures à midi et je m'en trouvais crevé pour la journée. Je pense avoir une bonne heure, peut-être deux, de travail. Les oliviers sont si beaux à cette heure — le plein midi est superbe mais effrayant. Je trouve que Cézanne l'a bien rendu dans ses rapports, heureusement pas dans son éclat qui est insoutenable. J'ai fait tout à l'heure une sieste sous un olivier et ce que je voyais était d'une couleur et d'une douceur attendrissantes. Il semble que c'est un paradis qu'on n'a pas le droit d'analyser et pourtant on est peintre. »3 Ce texte situe toute l'importance accordée par Matisse à cette nouvelle expérience de la peinture. Durant les quelques mois passés à la villa des Alliés, il pratiquera une sorte d'immersion dans le paysage, telle qu'elle n'avait plus eu lieu pour lui depuis la découverte de la couleur en Corse en 1896, les étés fauves de Saint-Tropez et de Collioure en 1904-1905 ou les séjours marocains des années 1912-1913.

Anne Baldessari

Notes :

1. On trouvera des précisions sur cette période de l'œuvre dans le catalogue Henri Matisse - The Early Years in Nice, 1916-1930, Washington, National Gallery of Art, 2 novembre 1986-29 mars 1987, p. 22.

2. Dominique Fourcade situe ces dessins en 1943-1947 dans la série « Oliviers à Vence » (Cahiers du MNAM, n° 13, 1984, p. 15).

3. Danièle Giraudy, « Correspondance Henri Matisse-Charles Camoin », op. cit., p. 22.

Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989