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Avec Hélène Bertin, l'enfance est un art

Pour la Galerie des enfants du Centre Pompidou, elle a conçu l'exposition-atelier « Magicienne de la terre », en collaboration avec la petite Ninon, 10 ans. Un voyage poétique dans l'imaginaire de l'enfance, et une invitation à regarder autrement notre environnement. Entretien avec une artiste pour laquelle art et artisanat sont intimement liés.

± 4 min

Hélène Bertin (née en 1989) et sa jeune amie Ninon, 10 ans, transforment la Galerie des enfants en un paysage enchanté et poétique, inspiré de leurs balades dans la nature du Lubéron, où elles vivent toutes les deux. Dans cette curieuse colline bleue derrière laquelle se cache une caverne, les enfants sont invités à y entrer comme des cueilleurs et cueilleuses, pour devenir ensuite des « magiciens et magiciennes de la Terre » (clin d'œil à une exposition mythique du Centre Pompidou, ndlr). Conviés à s'adonner à la rêverie, ils donnent progressivement vie à leurs personnages enchanteurs par le dessin, le maquillage, le costume, la mise en scène. Rencontre avec une artiste pour qui art et artisanat sont intimement liés.

Les rencontres avec des personnes passionnées, des artisans comme des artistes, sont au cœur de votre travail. Comment en avez-vous tiré parti pour votre proposition en Galerie des enfants ?

 

Hélène Bertin – Je ne prends pas à l'autre ce qui m'intéresse. C'est l'émulation créatrice que je recherche, qui aboutit à une forme de co-construction ; des liens qu’on tisse et qui permettent de réaliser ensemble. L’exposition-atelier « Magicienne de la terre » a été pensée à partir de la structure de l’exposition précédente, de l’artiste Laurent Tixador. Je souhaitais recycler une structure. Elle est devenue une colline dans son recto et une grotte dans son verso. Sur les murs, certaines parties font écho à des pratiques artisanales ; en cinq endroits différents, nous découvrons le travail d'un vannier, d'une argentière, d'une costumière, d'une teinturière, d'une chapelière et d’un ébéniste.

 

J'aime voir tous ces mondes se rencontrer, surtout ceux de la culture artisanale et traditionnelle. Comprendre les techniques préindustrielles et découvrir leurs outils sont des apprentissages quotidiens. Ils me permettent d'être davantage en relation avec ce qui m'entoure.

Hélène Bertin

 

Avec toutes et tous, j’entretiens des complicités de voisinage. Nous nous connaissons et avons déjà travaillé ensemble : Tristan Rique (ébéniste), Lola Verstrepen et Valentina Bassanese (teinturières), Stéphanie Lebreton (argentière), Liliana de Vito (chapelière), Gabriel Thiney (vannier), Gabrielle Eveno (costumière). Les liens se resserrent par l'apprentissage des techniques de chacun·e et, au fil des années, nous évoluons ensemble avec une vision holistique de notre travail. J'aime voir tous ces mondes se rencontrer, surtout ceux de la culture artisanale et traditionnelle. Comprendre les techniques préindustrielles et découvrir leurs outils sont des apprentissages quotidiens. Ils me permettent d'être davantage en relation avec ce qui m'entoure, afin d'être plus sensible à des principes et à des connaissances utiles, parfois oubliés, sans nostalgie.

 

Cette proposition a été co-conçue avec Ninon, 10 ans. Ce n’est pas chose courante… 


Hélène Bertin – Ninon est une enfant autonome, indépendante, assez désinvolte. Elle se confronte sans arrêt aux espaces naturels et interagit avec des gens de différentes générations. Ninon confie à toutes les mains ses dessins. Le dessin-cadeau, c'est le propre de tous les enfants. Pour un enfant, jouer c'est travailler, c'est sérieux. La différence avec les adultes, c'est la définition des frontières entre les activités. 

 

Le dessin-cadeau, c'est le propre de tous les enfants. Pour un enfant, jouer c'est travailler, c'est sérieux.

Hélène Bertin

 

Comment avez-vous travaillé ensemble ?

 

Hélène Bertin – Grâce à elle, j’ai pu briser cette idée du cloisonnement du travail. J’étais réellement à l’abri dans son espace à elle, ce qui m’a permis de revenir à l'idée du jeu que j'avais peut-être perdue parfois dans ma pratique artistique… Notre rythme nous a été imposé par la météo, la canicule : aller dehors, rentrer, glaner, revenir, dessiner mais aussi parler ou se taire, et rire. Pour chacune, ces phases préparatoires ont été des parenthèses privilégiées, fondées sur l'enthousiasme et la confiance. Prendre le temps de construire notre projet m'a aussi aidée à décloisonner mes propres moments de repos et d'activité.

Avec Ninon, il s'agissait plutôt d'encourager l'activité spontanée d'une enfant indépendante, sans l'entraver, tout en aspirant à une réalisation satisfaisante. Les enfants vivent dans leur dessin ; on y observe des juxtapositions d'échelles incohérentes, avec une évidence naïve – le bras qui s'allonge, un soleil accroché à une maison, un panier gigantesque. Il y a également toute une poésie du détail : des pattes de fourmi ou d'oiseaux, des plumes savamment composées de poils fins. Ensuite, ces dessins ont été adaptés à l’échelle de la structure, de quinze mètres sur deux, grâce à une graphiste, Anna Philippi, et à un artiste, Vincent Roux. Ils sont passés du carnet au mur pour que les éléments soient à la taille d'un public enfant. En tout cas, ce n'est sans doute pas la dernière fois que je travaille avec un enfant. Le jeu, la jubilation étaient quasi permanents lors des heures passées à dessiner. ◼