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Portrait du musicien Mirwais par Stéphane Sednaoui

Le Centre Pompidou &... Mirwais

Producteur de Madonna, fondateur du groupe de new wave Taxi Girl, Mirwais est une légende. Après vingt ans d’absence, il s’apprête à sortir enfin un nouvel album solo, et présente My Generation le 5 février dans le cadre du festival Hors Pistes (uniquement en ligne), un court métrage dont il réalise la bande originale. Il nous confie ses souvenirs du quartier Beaubourg dans les années 1980, un moment-clé pour lui.

± 5 min

Difficile de présenter Mirwais. Musicien dans le groupe mythique de new wave français Taxi Girl dans les années 1980 (le tube Cherchez le garçon), producteur des albums Music, American Life et récemment Madame X pour Madonna, il a déjà eu mille vies – faites d'autant d'éclats que d'éclipses. Ces jours-ci, Mirwais prépare son grand retour aux affaires, après vingt ans d'absence (son dernier album, le visionnaire Production, date de 2000). En guise d'amuse-bouche à un nouveau disque prévu pour 2021 qui s'annonce électrisant (et sur lequel il a convié Richard Ashcroft de The Verve ou Kylie Minogue), il a composé pour son camarade Ludovic Houplain la bande-son de My Generation, un court métrage d'animation qu'il produit aussi, présenté dans le cadre du festival en ligne Hors Pistes, le 5 février 2021 à 19 heures. Huit minutes d'un plan-séquence en marche arrière forcée dans un monde irrigué de flux ininterrompus d'images... Un film en forme de commentaire critique sur notre monde, un univers où tout se dématérialise et où les images se font tyranniques. Souvent critique, parfois prophète, celui qui cite Guy Debord ou Jean Baudrillard dans le texte est resté le même : un pur rebelle.

« Quand je suis arrivé en France en 1966, j’avais 6 ans. J’avais grandi en Afghanistan, le pays de mon père. Il avait été envoyé par le gouvernement en mission à Paris, et nous ne devions rester que six ans… Mais ma mère n’a jamais voulu repartir. À l’époque, on habitait boulevard Sébastopol, juste à côté du futur Centre Pompidou. Mes parents avaient ouvert une boutique de fringues afghanes dans le quartier, c’était la mode. Aujourd’hui, à la place, il y a un fast food. C’était l’époque où ils venaient de détruire les halles de Paris, il y avait ce fameux "trou"… C’était vraiment la fin symbolique des Trente Glorieuses. Moi, je m’ennuyais énormément, alors je traînais dans le quartier, et c’est là que j’ai eu une révélation qui allait sans doute influencer ma vie. C’était rue des Lombards, au mois d’août. J’avais 12 ans. Je suis tombé un peu par hasard sur la boutique Open Market de Marc Zermati, une figure du punk rock français. Et là, je découvre les magazines Cream, les vinyles des Stooges… un choc ! J’ai continué à traîner dans le quartier.

 

Dans les années 1990, je galérais à mort financièrement, c’était la pire période de ma vie. J’allais alors souvent à la Bpi pour écouter du Stravinsky, j’étudiais les partitions.

Mirwais

 

À la trentaine, j’étais place Sainte-Opportune, avec Juliette ma fiancée de l’époque, du groupe Juliette et les Indépendants. Dans les années 1990, je galérais à mort financièrement, c’était la pire période de ma vie. J’allais alors souvent à la Bpi (Bibliothèque publique d'information) pour écouter du Stravinsky, j’étudiais les partitions. C’était un endroit très calme et très important, un lieu pré-Internet. Le quartier était passionnant, vous sortiez dans la rue, vous disparaissiez de la surface du monde. Évidemment, c’était avant les portables… Le musée en lui-même, j’y vais peu, je suis trop occupé. Il faut relire L’Effet Beaubourg, de Jean Baudrillard, paru en 1977. Il y parle d’une "liquidation de l’art", c’est polémique et assez visionnaire. Pour moi, le Centre Pompidou, ce sont des technocrates qui ont créé une œuvre d'art tellement formidable qu’elle écrase tout le reste. Je ne m’intéresse pas vraiment à l’art contemporain. Je connais pas mal de mecs qui, comme moi, ont gagné de l’argent avec la musique ou autre, et qui investissent… Mais ça ne m’intéresse pas du tout, je préfère mourir sans posséder un Basquiat ou un Banksy. » ◼