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Catherine Meurisse, 2020 - visuel exposition

Le fabuleux destin de Catherine Meurisse

Avec dérision et légèreté, Catherine Meurisse croque le monde et ses absurdités. La Bibliothèque publique d’information (Bpi) lui consacre actuellement une exposition foisonnante. Entre influences littéraires et grands espaces, la dessinatrice se confie. 

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De ses dessins d’enfance à ses travaux de peinture plus récents, en passant par les caricatures de presse de l'époque Charlie Hebdo, l'exposition « Catherine Meurisse : la vie en dessin » dévoile le large spectre des talents de dessinatrice de l'artiste, comme son goût pour l’art et la littérature. Rencontre avec une créatrice heureuse, qui est aussi à 40 ans la première dessinatrice de bande dessinée élue à l’Académie des beaux-arts.

Décrivez-nous l’exposition, la façon dont elle retrace les périodes de votre vie et de votre travail, l’évolution de vos inspirations… ?

Catherine Meurisse — L’exposition s’ouvre sur un dessin reproduit en très grand : une jeune femme, qui me ressemble fort, est juchée sur une branche d'arbre, qu’elle est en train de peindre. C’est l'exact contraire de l’expression « scier la branche sur laquelle on est assis ». Cela met l'expo sous le signe de l’optimisme, de l’humour et de la chlorophylle (trop rare en ces temps pollués). Le public aussitôt aperçoit quelques dessins d’enfance, qui se muent en aquarelles plus sûres d’elles, pour la presse et l'édition jeunesse. Puis très vite c’est le grand saut dans Charlie Hebdo. Non loin des unes et des dessins satiriques, sont présentées des planches de bande dessinée plus raffinées, pour ne jamais oublier qu’il y a un cœur sensible sous un distributeur de baffes. Les albums La Légèreté et Les Grands espaces sont bien représentés, puis laissent la place à des travaux plus picturaux, extraits de l’album Delacroix, notamment.

 


Cette exposition à la Bpi s’est organisée très naturellement à la suite de celle à Angoulême… Les commissaires de l’exposition d’Angoulême, Jean-Pierre Mercier et Anne-Claire Norot, ont accompagné l’équipe des commissaires de l’exposition à la Bpi, Isabelle Bastian-Dupleix et Caroline Raynaud. J’ai fait confiance à ce sympathique quatuor et l'ai laissé libre de composer l’exposition comme bon lui semble.

Que ressentez-vous à l’idée que cette exposition soit présentée à la Bpi, au Centre Pompidou ? Ce lieu a-t-il une signification particulière pour vous ?

CM — Je suis extrêmement honorée d’être exposée à la Bpi, dans le Centre Pompidou. Je fréquente Beaubourg depuis longtemps, c’est une continuelle source d’inspiration. Savoir que Duchamp, Mondrian ou Beuys sont juste derrière la cloison de mon exposition m’amuse beaucoup. Je sais l’importance des bibliothèques, mais je mentirais si je vous disais que je les fréquente encore : j’ai cessé de le faire à la fin de mes études d'art. La Bpi représente donc pour moi un lieu d’exposition, où j’ai pu admirer les œuvres d'André Franquin ou de Claire Bretécher. Il y a cinq ans, Bretécher, exposée à la Bpi, réchauffait de son génie l’année glaciale que fut 2015. Pour les besoins de l’exposition, on m’avait demandé d'évoquer son travail, et cet exercice d’admiration et de mémoire, qui nécessitait de se replonger dans son oeuvre, m’avait permis de retrouver des forces. « Rappelle-toi, pour t’enflammer éternellement, certains passages de Byron », écrit Eugène Delacroix dans son journal. Je troque volontiers Byron contre Bretécher.

 

Je fréquente Beaubourg depuis longtemps, c’est une continuelle source d’inspiration. Savoir que Duchamp, Mondrian ou Beuys sont juste derrière la cloison de mon exposition m’amuse beaucoup. Catherine Meurisse

 

À la Bpi, j’apprécie que les cimaises voisinent avec les rayonnages et les ordinateurs, et que les lecteurs côtoient les habitués studieux de la bibliothèque, que l’entrée de l’expo soit gratuite. C’est l’illustration même de l’ouverture d’esprit, de l’accessibilité à la culture.

L’exposition à la Bpi montre de nouvelles pistes esthétiques par rapport à l’exposition d’Angoulême, notamment vos travaux plus récents… Pouvez-vous nous en parler ? Que racontent ces oeuvres de votre évolution artistique ?

CM — Je ne me pose pas la question de mon évolution artistique, même si je fais de mon mieux pour m’améliorer et ne jamais me répéter. Cette évolution se fait au gré des rencontres, des envies. Avoir cessé de pratiquer le dessin de presse me permet de consacrer plus de temps à la peinture, à la réalisation d’albums personnels, parfois hybrides (entre livre illustré et bande dessinée, comme Delacroix). Je redécouvre la lenteur, mon cerveau ne travaille plus de la même manière. Il ne réagit plus au quart de tour pour synthétiser un fait politique en deux coups de crayon, il prend le temps de laisser infuser des idées et des impressions, et de choisir les outils pour les illustrer : la gouache plutôt que le feutre expéditif, le papier satiné plutôt que le papier machine. Ce nouveau rapport au temps de la création, qui m'entraîne parfois sur le terrain de la poésie, me convient parfaitement aujourd'hui. ◼

Initialement conçue et exposée lors du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême en février 2020, cette nouvelle présentation de l'exposition au cœur de la Bpi (Bibliothèque publique d'information) est enrichie de pièces originales et d'expérimentations récentes, dans un parcours et une scénographie modifiée.