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Affiche Destination Pompidou - repro détail

Pop, pop, Pompidou !

Graphique, rétro et coloré. C’est cet univers pop que l’illustratrice Virginie Morgand vient de prêter au Centre Pompidou pour réaliser l’affiche de sa programmation estivale, baptisée « Destination Pompidou ». Rencontre avec une créatrice qui s'inspire autant de Henri Matisse et David Hockney que de Saul Bass.

± 4 min

Ses illustrations, affiches ou petits livres sérigraphiés déploient un univers pop et coloré habité par des personnages aux contours généreusement esquissés. Après une école d’arts appliqués à Nantes, et une spécialisation dans le dessin d’animation, Virginie Morgand développe son goût pour l’illustration, la sérigraphie et la linogravure et affine son style graphique en multipliant les casquettes et les collaborations : affiches pour des théâtres (Opéra de Lyon), des musées (Grand Palais), des collectivités (Ville de Paris), illustrations pour la presse (The New Yorker, Les Inrockuptibles, La Revue dessinée…), et pour la littérature jeunesse (éditions MeMo), design de produits cosmétiques pour de grandes marques… Virginie Morgand jongle avec les différents supports – l'affiche reste celui qu’elle préfère explorer – mais fait de son style graphique aux couleurs chatoyantes et aux formes souples une véritable marque de fabrique. Elle a réalisé l’affiche de la programmation estivale du Centre Pompidou : « Destination Pompidou, un billet pour l’été ».

 

 

Toute la programmation Destination Pompidou

Comment avez-vous procédé pour réaliser l’affiche de « Destination Pompidou » ? 

 

Virginie Morgand – Après cette année de confinement, et dans cette période de réouverture des lieux culturels, l’idée était d’accompagner la programmation par un visuel vivant et joyeux, mettant en scène le Centre Pompidou comme une destination d’été, un peu à la manière des vieilles affiches de tourisme populaire. J'ai donc repris certains de ces codes : une typographie à l’ancienne, une composition assez simple, un jeu sur les échelles et les différents plans de l’image, des couleurs vives, etc. C’est un univers qui me parle bien, puisque j’ai moi-même un style graphique un peu rétro. Mais l’idée était de revisiter ce côté vintage, de le moderniser, en y introduisant une forme de « décalage ». Dans mes dessins cela passe souvent par les personnages – ici, avec la présence du DJ sur le toit ou grâce aux tenues et vêtements, que j’ai volontairement imaginés selon les modes actuelles.

 

L'affiche met en scène le Centre Pompidou comme une destination d’été, à la manière des vieilles affiches de tourisme populaire. Le bâtiment devient alors une immense structure flottante avec un grand toboggan-chenille !

Virginie Morgand, illustratrice

 

 

Pour dessiner le Centre Pompidou, j’ai évidemment repris les éléments graphiques qui le rendent si reconnaissable : le bâtiment et ses couleurs caractéristiques, sa Chenille… Mais je l’ai représenté sans la ville autour, sur un fond bleu, pour donner l’impression que le bâtiment est comme un îlot, une immense structure flottante avec un grand toboggan-chenille ! D’ailleurs, au moment où la commande m’a été passée, on m’a suggérée de m’inspirer d’une illustration que j’avais déjà faite, représentant une plage dans les Bouches-du-Rhône située juste à côté d’une raffinerie de pétrole. Pour réaliser l’affiche de Destination Pompidou, j'ai donc reproduit cet étonnant mariage entre une ambiance de vacances, de plage presque, et cette esthétique de bâtiment industriel. Tout en gardant aussi une atmosphère « populaire ». Car pour moi, le Centre Pompidou est un endroit profondément populaire. C’est un lieu que les gens se réapproprient : au-delà de l'institution culturelle, c’est aussi un point de rendez-vous, un repère dans la ville pour retrouver des amis avant d’aller boire un verre, visiter une expo ou juste s’asseoir sur son immense parvis… Bref, un lieu vivant, accessible, cosmopolite  ! 

Quels sont vos influences, les artistes qui vous nourrissent, vous inspirent ? 

 

Virginie Morgand – Évidemment, il y a beaucoup d’affichistes : Cassandre, Villemot, mais aussi Tom Eckersley ou encore Paul Rand, Saul Bass… Ce que je trouve fascinant chez ces artistes, c’est la manière dont ils passent d’une discipline à une autre : ils sont certes affichistes mais s’exercent aussi à d’autres techniques, en travaillant la céramique, le bois, ou en réalisant des livres. J’aime par exemple énormément le travail de Bruno Munari, qui est dessinateur, sculpteur, designeur, mais également auteur de livres pour enfants. Je pense aussi aux artistes du Bauhaus, qui jouaient avec tous les supports. Ou au couple Sonia et Robert Delaunay ! Tous deux, en plus de leur pratique picturale, ont travaillé à la création de costumes, de textiles, de motifs… Ces artistes ont une liberté folle, ils ne se limitent pas à une approche, ils expérimentent sans cesse. Dans ma propre pratique, je m’amuse avec cette liberté, en dessinant sur de la céramique, en écrivant et illustrant des livres. En ce moment, j’ai très envie de réaliser des petits objets en bois par exemple, un peu dans le sillage de ce que pouvaient faire certains artistes de l’Europe de l’Est dans les années 1920 ou 1950. J’aime bien l’idée qu’on puisse passer de l’art à l’artisanat, par le biais de la technique notamment, et qu’il n’y ait pas de frontière.

 

J’aime l’idée qu’on puisse passer de l’art à l’artisanat, par le biais de la technique notamment, et qu’il n’y ait pas de frontière.

Virginie Morgand, illustratrice

 

 

Parmi les artistes plus actuels, j’admire beaucoup le travail de la graphiste Fanette Mellier, du dessinateur Jérémie Fischer ou de l’artiste Paul Cox. De la même manière que les artistes plus anciens que je viens de citer, Cox a fait une multitude d’affiches mais s’est aussi essayé à la scénographie, à la création de jeux pour enfants… Et puis, j’aime particulièrement la façon dont il joue avec le texte, en rapport avec l’image : c’est simple, mais très efficace !

Que représente, pour vous, le Centre Pompidou ?

 

Virginie Morgand – Le Centre Pompidou, c’est d’abord son bâtiment, fascinant et inspirant pour une artiste comme moi qui essaie d’utiliser le moins de couleurs possible. Sa palette de couleurs très restreinte – rouge, vert, jaune, bleu – a une vraie résonance dans ma pratique. Je pense ensuite à ses expositions. Celle sur David Hockney m’a par exemple beaucoup marquée. Travaillant moi-même beaucoup autour de l’eau, de la piscine, du mouvement, j’ai été très impressionnée par la façon dont Hockney traite de ces motifs en utilisant la couleur et le grand format. Je pense aussi à une exposition sur Matisse ; encore un artiste qui savait passer d’un support à un autre, et qui a petit à petit simplifié son dessin jusqu’au découpage et jusqu’à une extrême économie de couleurs… De quoi m’inspirer ! J’ai par ailleurs très envie d’aller voir l'exposition « Elles font l’abstraction » pour aller faire des découvertes, même si c’est fou de se dire que ce seront des « découvertes », alors même que ce sont de grandes artistes… ! ◼