Bleu III
04 mars 1961

Bleu III
04 mars 1961
Confortant le caractère métaphysique de ce paysage abstrait, ses éléments semblent menacés de disparition.
Des trois panneaux composant ce triptyque, celui-ci est le plus minimal. Sur le même fond monochrome ne subsistent plus que trois éléments, la fine ligne de Bleu I qui parait stoppée par une barrette rouge vers le coin supérieur, tandis que l'un des points noirs de Bleu Il semble se diriger vers le bas, comme pour sortir du champ chromatique.
Domaine | Peinture |
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Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 268 x 349 cm |
Acquisition | Achat, 1988 |
N° d'inventaire | AM 1988-569 |
En salle :
Musée - Niveau 5 - Salle 24 : Joan Miró, Les trois bleus
Informations détaillées
Artiste |
Joan Miró
(1893, Espagne - 1983, Espagne) |
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Titre principal | Bleu III |
Date de création | 04 mars 1961 |
Lieu de réalisation | Peint à Palma de Mallorca |
Domaine | Peinture |
Technique | Huile sur toile |
Dimensions | 268 x 349 cm |
Inscriptions | S.D.T.R.H.G. : Miró. // 4/3/61 // Bleu III/III. |
Acquisition | Achat, 1988 |
Secteur de collection | Arts Plastiques - Moderne |
N° d'inventaire | AM 1988-569 |
Analyse
Peintes entre décembre 1960 et mars 1961 dans son nouvel atelier de Palma de Majorque, construit par José Lluís Sert en 1956 – qui permettait enfin à Miró d’entreprendre de très grands formats, et de se « libérer » totalement, comme l’y incitait encore tout récemment l’exemple des abstraits américains vus à New York en 1959 –, ces trois toiles réunies (cat. rais. n os 339, 340, 341), qui sont les trois volets, les trois temps d’une même œuvre, marquent l’accomplissement de toute sa recherche plastique et poétique. Elles sont le fruit d’un long travail de maturation, depuis les premiers croquis, minuscules, jetés sur des bouts de papier (FJM n o 2444-2445-2246), les 27 février, 6 mai et 30 novembre 1960, jusqu’à leur transposition à grande échelle sur la toile : « [Les grandes toiles bleues], j’ai mis beaucoup de temps à les faire. Pas à les peindre, mais à les méditer. Il m’a fallu […] une très grande tension intérieure, pour arriver à un dépouillement voulu. L’étape préliminaire était d’ordre intellectuel… C’était comme avant la célébration d’un rite religieux, oui, comme une entrée dans les ordres. Vous savez comment les archers japonais se préparent aux compétitions ? Ils commencent par se mettre en état – expiration, aspiration, expiration –, c’était la même chose pour moi. […] je me préparais intérieurement. Et, finalement ; je me suis mis à peindre : d’abord le fond, tout bleu, mais il ne s’agissait pas simplement de poser de la couleur, comme un peintre en bâtiment : tous les mouvements de la brosse, ceux du poignet, la respiration d’une main intervenaient aussi. “Parfaire” le fond me mettait en état pour continuer le reste » (Rosamond Bernier, « Propos de Joan Miró », L’Œil , n o 79-80, juillet-août 1961, p. 18 ; Écrits et entretiens , op. cit. , p. 279-280). Cet acte physique l’engage en entier : le champ spatial ainsi brossé de cette couleur bleue, choisie depuis longtemps pour être la « couleur de ses rêves », et à laquelle il revient ici magistralement, quelque trente-cinq ans après la série des « Peintures » monochromes de 1925, cet espace infini, quasi cosmique et tout de palpitation aérienne et lumineuse, à la fois diurne et nocturne, il l’investit, l’attaque même, en le ponctuant de signes purs, minimaux : points, lignes, balafres, tout à tour précis et nébuleux, et réduits aux seules couleurs noir et rouge, sont commandés par le geste précis, acéré, d’« archer japonais » de Miró. Ce sont des actes respiratoires et mentaux d’extrême concentration, des exercices quasi spirituels et mystiques de fusion avec l’ordre secret du cosmos. « La même démarche me fait chercher le bruit caché dans le silence, le mouvement dans l’immobilité, la vie dans l’inanimé, l’infini dans le fini, des formes dans le vide et moi-même dans l’anonymat », disait-il à Yvon Taillandier en 1959 (Y. Taillandier, «Je travaille comme un jardinier », xx e Siècle , 15 février 1959 ; Écrits et entretiens , op. cit. , p. 275). Cet investissement et cet effacement de soi à l’univers constituent désormais les conditions de l’universalité à laquelle Miró a tendu toute sa vie : « Par les quelques lignes tellement économes que j’y inscris, j’ai cherché à donner au geste une qualité si individuelle qu’il en devienne presque anonyme et qu’il accède ainsi à l’universel de l’acte » (Denys Chevalier, « Miró », Aujourd’hui : Art et Architecture , novembre 1962 ; Écrits et entretiens , op. cit. , p. 291-292). L’écriture plastique se fait acte poétique pur – Miró était depuis longtemps sensible à la poésie de Mallarmé, dont il connaissait parfaitement Un coup de dés jamais n’abolira le hasard –, mais un acte poétique non abstrait et accessible à tous. Le succès des trois Bleus a été immédiat, avant leur première exposition tant à Paris, galerie Maeght (« Miró : peintures murales », 23 juin-31 juillet 1961), qu’à New York, Pierre Matisse Gallery (« Miró : 1959-1961 », 31 octobre-25 novembre 1961).
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007