Glissade (amorce)
[1919 - 1920]

Glissade (amorce)
[1919 - 1920]
Domaine | Dessin |
---|---|
Technique | Mine graphite et gouache sur papier vergé filigrané |
Dimensions | 9 x 22,6 cm |
Acquisition | Achat, 1978 |
N° d'inventaire | AM 1978-27 |
Informations détaillées
Artiste |
El Lissitzky (Eliazar Lissitzky, dit)
(1890, Empire Russe - 1941, URSS) |
---|---|
Titre principal | Glissade (amorce) |
Ancien titre | Etude pour un proun |
Date de création | [1919 - 1920] |
Domaine | Dessin |
Technique | Mine graphite et gouache sur papier vergé filigrané |
Dimensions | 9 x 22,6 cm |
Inscriptions | Non signé, non daté. En bas à gauche : SKOL'ZHNIE (NASTUPLENIE) [Glissade (amorce)] |
Acquisition | Achat, 1978 |
Secteur de collection | Cabinet d'art graphique |
N° d'inventaire | AM 1978-27 |
Analyse
Le Proun – « Projet pour l’affirmation du nouveau » – constitue le cœur de l’art d’El Lissitsky. S’y combinent des éléments géométriques bi et tridimensionnels lancés dans une étendue plane où la diversité de leurs formats et de leurs équilibres incurve l’espace et crée des tensions dynamiques. Traités comme des objets de poésie plastique pure, soumis à une perspective axonométrique, plongés dans un espace non référentiel, les Proun(s) appellent une vision ouverte. Ils flottent dans l’immensité cosmique et peuvent être contemplés selon les quatre directions de l’espace. Appelé par Chagall aux Beaux-Arts de Vitebsk l’été 1919, El Lissitsky, qui avait acquis une formation d’architecte-ingénieur, réunit autour de lui nombre d’artistes progressistes et crée dès avril 1920 les ateliers UNOVIS, sorte de laboratoire de recherche et d’expérimentation. C’est dans ce cadre qu’en contact étroit avec les théoriciens suprématistes ou constructivistes, et poursuivant ses propres réflexions sur l’architecture, l’espace et la perspective, il en vient à formuler ses premiers Pro-un[s] – en deux syllabes ! Dans ces travaux radicalement abstraits, d’une extrême concision, à l’exactitude d’épures industrielles, est développée une nouvelle réalité volumétrique et spatiale, comme une passerelle jetée du dessin fonctionnel vers l’imaginaire des choses neuves, et qui annonce les « architectones » et les « planites » que Malevitch va explorer à partir de 1920. « Stations d’aiguillage entre la peinture et l’architecture », selon Lissitky, les Proun(s) réalisent le passage entre l’esthétique suprématiste malevitchienne (les tableaux plans) et la réalité à l’échelle de la ville. Modèles de l’architecture à venir, leurs constructions en volumes géométriques dans l’espace appartiennent véritablement au genre du caprice d’architecture.
Intitulée Glissade (amorce), la petite composition dessinée et gouachée aux tonalités de rouge, gris, blanc et noir, articule des points de vue et des objets à la fois jaillissants, heurtés et ancrés par le grand rectangle obscur au-dessus de la « piste glacée », et apparaît comme une étude d’« urbanisme ». Elle précède le Proun à proprement parler. On la rangera parmi les pièces titrées tour à tour Ville, Pont, Arc, Maison au-dessus de la terre, et même Moscou – toutes à dater de 1919-1920. Ce suprématisme « appliqué » se matérialise dans une esthétique raffinée qui traduit la pensée de l’artiste selon laquelle « nous vivons dans un champ de forces qui naît entre deux pôles – une société qui se déstructure + une qui se construit ».
Deux dessins gouachés – celui du mnam et un autre conservé à la Staatliche Galerie Moritzburg de Halle – accompagnent la peinture de 98 x 98 cm aujourd’hui à Hanovre (Sprengel Museum). Cette toile est inscrite au répertoire manuscrit établi en 1924 par El Lissitsky sous le n° 2, avec le titre Proun R. V. (du nom de son propriétaire, Herbert Garvens von Garvensberg). Les trois modalités attestent des positions différentes des figures géométriques (dont le point noir), mais une même recherche de « balance » autour du disque clair central. La feuille parisienne, qui pourrait revendiquer le statut de « talisman », porte une précieuse indication : Revon 23 im Bett. Exécutée à Hanovre (selon l’anagramme, propre à Schwitters, des deux dernières syllabes de Han-nover), elle date de l’automne 1923, quand Lissitzky, souffrant de pneumonie et sans doute déjà de tuberculose, ne cesse de travailler, même « au lit » : d’où le caractère assez libre du crayonnage des quartiers d’angles – des carrés – qui délimitent la croix mettant le grand cercle blanc magnifiquement à distance. Carré, croix, cercle : l’implication de ces trois figures fondamentales du vocabulaire de Malevitch (planches I à III dans sa petite « somme » lithographique imprimée par Lissitzky à Vitebsk en 1920), mises ici en composition avec la structure orthogonale des « poutres » proprement lissitzkyennes, fait de Proun R. V., non seulement une image véritablement cosmique, mais encore un salut au suprématisme et tout à la fois son dépassement.
Rainer Michael Mason
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Bibliographie
Voir la notice sur le portail de la Bibliothèque Kandinsky