Sans titre
[1989 - 1990]

Sans titre
[1989 - 1990]
Domain | Dessin |
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Techniques | Aquarelle et crayon gras sur papier vélin |
Dimensions | 45 x 55 cm |
Acquisition | Don de l'artiste, 1992 |
Inventory no. | AM 1992-366 |
Detailed description
Artist |
Erik Dietman
(1937, Suède - 2002, France) |
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Main title | Sans titre |
Creation date | [1989 - 1990] |
Domain | Dessin |
Techniques | Aquarelle et crayon gras sur papier vélin |
Dimensions | 45 x 55 cm |
Inscriptions | S.H. MIL. : DIETMAN |
Acquisition | Don de l'artiste, 1992 |
Collection area | Cabinet d'art graphique |
Inventory no. | AM 1992-366 |
Analysis
« Entre écrire et dessiner, je ne fais aucune différence ; ni entre un objet et une phrase ». Pour ce grand lecteur de Joyce et de Perec, pour cet anarchiste en lutte contre tout système établi – la société de consommation et bien-pensante des années 1970 –, brouiller les classifications, contourner les différentes disciplines, comme, à la suite de Marcel Duchamp et de Francis Picabia, ériger le trait d’esprit et le jeu de langage en méthode d’une certaine « hygiène » de la vision et de la pensée devaient constituer le fondement de toute pratique d’artiste. Celle du dessin (qui remonte à son enfance) est restée, pour ce « poète raté » qui emplit carnets sur carnets, un exercice quotidien, ni plus ni moins salutaire et efficace que la fabrique des objets et des sculptures, socle nécessaire auquel peuvent s’arrimer les conduites les plus sacrilèges.
Battre en brèche les têtes de l’art : dans un des treize collages-dessins de la série Hommage à Arthur Cravan, réalisée en 1976-1977 sous le signe du poète-boxeur bohème de l’époque Dada, tout se mêle avec joie et sarcasme pour évoquer la figure tutélaire du constructivisme russe, Tatlin : l’enchaînement d’objets hétéroclites trouvés ici et là – feuille de chêne, bouton de mercerie, lettres en liège, galet, pâte à modeler, boule de coton, lame de rasoir, cigare – se livre comme une sorte de rébus visuel et de calembour sonore, bricolage à connotation fortement érotique, ludique ou culinaire (le sexe-cigare, la feuille de chêne, la lame de rasoir, la boule de coton). Comme si la « construction » d’art était, selon l’humeur, affaire de cuisine (la « tarte Tatin ») ou jeu lubrique ; comme si la construction d’art était en réalité une bulle vide, une bulle « soufflée », soit explosive et prête à s’embraser, soit pétard mouillé.
Un embrasement qui est un embrassement : un même humour féroce, rabelaisien, marque les nombreux dessins à l’aquarelle des années 1980, porteurs d’une forte charge érotique et morbide. Dans ce double visage métamorphique plongé dans l’ombre bleutée, le baiser qui embrase est animal. Incorporation-expulsion douce et dangereuse que ce jeu de dames posé sur un jeu d’échecs ! La légèreté de l’aquarelle, le dessin gauche ne laissent rien au hasard : tout est férocement précis et aigu dans le monde d’étrange poésie de Dietman, où sont rétablis le grotesque, la sauvagerie, l’excès et l’angoisse. Aux formalismes des minimalistes et aux imageries pop, Erik Dietman, comme Polke, dont il partage la liberté insolente, l’attitude de déni, oppose l’impureté fondamentale, physiologique, de la création artistique.
Agnès de la Beaumelle
Source :
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008