Le Peintre dans son atelier
[fin 1916 - début 1917]

Le Peintre dans son atelier
[fin 1916 - début 1917]
The window in the artist's studio is bath a crossing point and a metaphor for painting.
Here the painter represents himself from behind, beside a window overlooking the Quai Saint Michel. Before him and next to his easel, is seated Lorette, Henri Matisse’s favourite model whom he painted tirelessly. A silent conversation is taking place in an unstable space. Matisse questions the role of the model and that of the painter for it is the artist who seems to be the naked subject of the painting here, rather than Lorette, dressed in a green Gandoura.
Domain | Peinture |
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Techniques | Huile sur toile |
Dimensions | 146,5 x 97 cm |
Acquisition | Achat, 1945 |
Inventory no. | AM 2585 P |
Detailed description
Artist |
Henri Matisse
(1869, France - 1954, France) |
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Main title | Le Peintre dans son atelier |
Former title | Le peintre et son modèle l'Atelier, quai Saint-Michel |
Creation date | [fin 1916 - début 1917] |
Place of production | Peint à Paris, quai Saint-Michel |
Domain | Peinture |
Techniques | Huile sur toile |
Dimensions | 146,5 x 97 cm |
Acquisition | Achat, 1945 |
Collection area | Arts Plastiques - Moderne |
Inventory no. | AM 2585 P |
Analysis
Nous avons déjà vu à quelle « série » appartient cet intérieur-atelier ouvert sur la vue familière de l'île de la Cité et du pont Saint-Michel. D'après Matisse (quand le tableau a été acquis par les Musées nationaux en 1945), les indications de Madame Duthuit1 et le catalogue de l'exposition Henri Matisse. Exposition du centenaire, Paris, Grand Palais, avril-septembre 1970, cette toile appartiendrait à l'année 1917. Mais le tableau en cours sur le chevalet, Laurette sur fond noir, robe verte, est signé et daté 1916. Notre toile qui représente le même modèle, Laurette2, assise sur une bergère rose, se détachant à contre-jour sur le fond noir du mur de l'atelier — exactement semblable à son reflet peint sur le chevalet — devrait avoir été entreprise au même moment, soit à la fin de l'année 19163. Et L'Atelier, quai Saint-Michel, troisième volet du triptyque consacré à l'atelier de Paris et à sa « vue » sur le pont Saint-Michel dans les années 1914-1916, est aussi attribué à l'année 1916. Jack Flam souligne encore les rapports de couleur (l'usage du noir) et de composition entre la toile du MNAM et deux des œuvres les plus importantes de 1916, Les Demoiselles à la rivière et Les Marocains. Ces arguments nous amèneraient donc à avancer de quelques mois — d'une saison — la date de Peintre dans son atelier, et de proposer la fin de l'année 1916.
Les rapports formels et thématiques complexes entre Intérieur, bocal de poissons rouges (n° 9), Les Poissons rouges (The Museum of Modern Art, New York) et Le Peintre dans l'atelier ont été suffisamment évoqués ici. La fonction symbolique de la fenêtre, lieu de passage et métaphore de la peinture est un terme commun à ces trois toiles, et à bien d'autres. Mais elle est ici démultipliée par la présence immobile du peintre, silhouette dénuée d'épaisseur, presque transparente, opérateur lui-même vrai lieu du passage entre le monde « extérieur » de la réalité sensible et un monde « intérieur » qu'il rend visible sur la toile.
Le Peintre dans son atelier apparaît ainsi comme une nouvelle étape de la méditation de Matisse sur la distance, du peintre à la réalité, du peintre à la peinture. La pensée, l'expérience poétique et sensorielle accumulée sur ce thème (qui revient constamment dans les œuvres des années 1913 à 1916) prend ici la forme matérielle d'un dispositif géométrique articulé par une combinaison de triangles et de rectangles. L'espace est creusé en haut par l'angle du plafond (qui n'apparaît pas dans Intérieur, bocal de poissons rouges) et en bas par l'ébrasement de la fenêtre. Dans le triangle d'espace ainsi délimité s'inscrit un trio de personnages : l'artiste, placé de dos, parallèlement au plan de la fenêtre; le modèle, de face, dans l'axe central; le tableau sur le chevalet, face au peintre, et perçu comme parallèle au mur de gauche violemment illuminé. Le miroir vénitien, somptueusement surchargé, presque incongru dans cette sévère architecture orthogonale, ne reflète rien de la scène, ni du paysage. Aucun des visages n'est déterminé par un regard : c'est bien pourtant l'échange des regards — la circulation et l'activité même du regard du peintre— qui forme le sujet du tableau, qui le produit sous nos yeux.
Isabelle Monod-Fontaine
Notes :
1. Communication écrite, 1976.
2. Laurette commence à poser pour Matisse au début de 1916. Matisse la représente plusieurs fois assise dans la bergère rose, vêtue ou non de vert (cf. notamment Laurette en vert dans la bergère rose, 1917 ( ? ) (100 x 73 cm, collection particulière) et Laurette au turban blanc, 1917 ( ? ) (35 x 26,5 cm, galerie Rosengart, Lucerne).
3. Cf. Jack Flam, The Man and his Art, 1869-1918, Londres, Thames and Hudson, Ltd, 1986, p. 441.
Source :
Extrait du catalogue Œuvres de Matisse, catalogue établi par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari et Claude Laugier, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1989