Pointe à l'oeil
[1931 / 1932]
Pointe à l'oeil
[1931 / 1932]
Reproduced for the first time in the Cahiers d'art journal in 1932, under the title Relations désagrégeantes [Disintegrating Relations], the current title refers to the story of Pinocchio ('pina all'occhio').
Histoire de l'œil [Story of the Eye] appeared in 1928.
Domain | Sculpture |
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Techniques | Bois, fer peint en noir |
Dimensions | 12,7 x 58,5 x 29,5 cm |
Acquisition | Achat, 1981 |
Inventory no. | AM 1981-251 |
Detailed description
Artist |
Alberto Giacometti
(1901, Suisse - 1966, Suisse) |
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Main title | Pointe à l'oeil |
Title given | Relations désagrégeantes |
Creation date | [1931 / 1932] |
Circumstances of production | D'après le plâtre original daté [1931] |
Domain | Sculpture |
Techniques | Bois, fer peint en noir |
Dimensions | 12,7 x 58,5 x 29,5 cm |
Inscriptions | S.D.sur le socle.AR.DR. : Alberto Giacometti / 1932 |
Acquisition | Achat, 1981 |
Collection area | Arts Plastiques - Moderne |
Inventory no. | AM 1981-251 |
Analysis
« Objet mobile et muet » à part entière, un des plus saisissants que Giacometti ait réalisés entre 1930 et 1933, la sculpture, dont le premier titre, paru dans Cahiers d’art par les soins de Christian Zervos (« Quelques notes sur les sculptures de Giacometti », n o 8-10, 1932), fut Relations désagrégeantes , a fini par être désignée par Giacometti en 1947, dans sa lettre à Pierre Matisse, Pointe à l’œil , en écho vraisemblablement au titre du fameux conte pour enfant de Collodi, Pinocchio (« pina all’occhio ») : ce nouveau titre renforce le contenu violemment agressif, mortifère, de la pulsion scopique qui, dans le fantasme du sculpteur, sous-tend, pour la « désagréger », la pulsion érotique.
Une « pointe menaçant l’œil d’une tête-crâne », écrit-il en 1947 : la menace faite à la figure humaine, effleurée, quasiment touchée par un regard « pinéal », qui la darde et qui s’étend à perte de vue – thème privilégié de Georges Bataille ( Histoire de l’œil , 1928) et de Salvador Dalí ( Un chien andalou , 1929) – est une menace de mort, réduisant la tête en crâne et le corps en cage thoracique squelettique. Un jeu des plus macabres est ici en acte, en tension dans cet objet à manipuler, faisant pivoter sur leurs axes flèche et figurine, les faisant dévier de leur trajectoire : il obéit aux règles des mystérieux tracés géométriques gravés sur la plate-forme horizontale. Celle-ci, qui n’a rien d’un socle de sculpture, devient un champ de tir, ou, si l’on veut, un cadran solaire : avec une précision de géomètre-arpenteur, Giacometti objectivise, non seulement l’ambivalence attraction / répulsion, vie / mort du désir sexuel (comme il l’avait fait dans Boule suspendue), mais l’étendue de temps et d’espace, la distance qui sépare « nécessairement » – et cette préoccupation est centrale dans son œuvre – deux corps tendus dans un rapport de désir.
Dans sa version en bois, réalisée toujours par un voisin ébéniste, Ipoustegui, à l’occasion de l’exposition chez Pierre Colle, en mai 1932, l’œuvre semble gagner encore en implacable précision, comparée à son original en plâtre (Zurich, Kunsthaus, Alberto Giacometti Stiftung), conçu fin 1931, après avoir été élaboré (fait relativement rare pour la période surréaliste de Giacometti) dans deux esquisses préparatoires. Les deux versions furent en leur temps fameuses : le plâtre fut photographié par Man Ray, montré à New York chez Pierre Matisse qui en fut le propriétaire avant Marcel Duchamp ; le bois, après sa première présentation chez Pierre Colle, en 1932, figura à l’« Exposition internationale du Surréalisme » de Londres, en 1936 (11 juin-4 juillet), et fut acquis alors par Tériade, le directeur de la revue Minotaure .
Agnès de la Beaumelle
Source :
Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne , sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007