Focus sur... « Red, Yellow and Black Streak » de Georgia O'Keeffe
C'était des masses souples et sinueuses de couleurs traitées par un pinceau extrêmement précis. Il y avait, bien découpées, et très lisibles, comme des vagues ou des langues de rouge, de jaune et d'orangé, lesquelles pouvaient donner l'impression d'une pure abstraction aux teintes de lave.
Thomas Schlesser, Les Yeux de Mona (2024)
Après une enfance passée dans une ferme du Wisconsin, Georgia O’Keeffe vient à New York, en 1907, suivre les cours de l’Art Students League. Elle s’imprègne des idées de l’avant-garde en fréquentant la galerie 291, dirigée par le photographe Alfred Stieglitz, où elle découvre Rodin, Braque, Picasso, Matisse… À partir de 1911, elle enseigne les arts plastiques et le dessin publicitaire dans différents États, dont la Caroline du Sud et le Texas. Elle s’intéresse aux pastels organiques d'Arthur Dove et explore un répertoire de formes géométriques et organiques, dans lequel elle exprime son « monde intérieur ». En 1916, son amie Anita Pollitzer fait découvrir ses aquarelles à Alfred Stieglitz. Celui-ci présente alors une dizaine de ses œuvres dans une exposition collective, puis organise, l’année suivante, sa première exposition personnelle à la galerie 291. En 1918, l’artiste s’installe à New York, dont elle peindra des vues architecturales impressionnantes, pour vivre avec Stieglitz, qu’elle épouse en 1924. Pendant les mois d’été, le couple se retrouve dans la maison familiale de Stieglitz, sur les rives du lac George dans les monts Adirondaks.
Les paysages de Georgia O'Keeffe ne transposent pas une réalité ; ce sont des projections mentales dont les couleurs sont fondées sur une gamme de sensations chromatiques.
Fascinée par la splendeur des couchers de soleil sur le lac, Georgia O’Keeffe peint là une grande partie de ses tableaux. Red, Yellow and Black Streak, qui appartient à la série des « Paysages du lac George », est présenté, dès 1925, dans une exposition de groupe des Anderson Galleries à New York. Ses paysages ne transposent pas une réalité ; ce sont des projections mentales dont les couleurs sont fondées sur une gamme de sensations chromatiques. Cependant, on y retrouve une intense notion d’espace, où cieux, terre et eau se confondent dans la flamboyance des orangés, des rouges et des violets, peints selon une technique fluide mais « précisionniste », les motifs étant toujours ramenés à leur forme essentielle. Parallèlement à cette série d’œuvres abstraites, Georgia O’Keeffe concentre sa création sur des natures mortes de fleurs, célèbres pour leur cadrage photographique et monumental. Son iconographie de fleurs énormes, de crânes et de paysages désertiques du Nouveau-Mexique, où elle s’installe après la mort de Stieglitz, en 1946, reflète son sentiment cosmique et intime de la nature. ◼
Extrait du catalogue Collection art moderne — La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007
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Georgia O'Keeffe, « Red, Yellow and Black Streak » (Stries rouge, jaune et noir), [1924]
© Georgia O'Keeffe Museum / Adagp, Paris
© Centre Pompidou, Mnam-Cci /Dist. Rmn-Gp