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"La Chevauchée nocturne", Jacques Zwoboda, terrasse sud du Centre Pompidou © Hervé Véronèse

« La Chevauchée nocturne » s'élance enfin dans le ciel de Paris

C’est un bronze de huit cents kilos qui a rejoint, fin juin, la terrasse sud du Centre Pompidou. Deux silhouettes stylisées qui s’élancent et s’enlacent face aux toits de Paris — un couple uni dans une poursuite vers l'inconnu. Datée de 1959, cette Chevauchée nocturne de l'artiste Jacques Zwobada est un hommage à sa muse disparue. L'œuvre, monumentale, a fait l'objet d'une délicate restauration. Don de la fille de l’artiste, elle fait partie des nouvelles acquisitions exceptionnelles du Musée.

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C’est un bronze de huit cents kilos qui a rejoint, fin juin, la terrasse sud du Centre Pompidou. Deux silhouettes stylisées qui s’élancent et s’enlacent. Signée du sculpteur français Jacques Zwobada, La Chevauchée nocturne (datée de 1959) est un don de la fille de l’artiste. Après des pérégrinations et une minutieuse rénovation, le bronze se dresse désormais en majesté face aux toits de Paris et aux gargouilles de la tour Saint-Jacques — un emplacement choisi par le directeur du Musée, Bernard Blistène, comme un écho à la vibration presque gothique de l’ensemble.

Une histoire tragique se cache en effet derrière cette œuvre lyrique : après le décès brutal de son épouse Antonia Fiermonte en 1956, Jacques Zwobada consacre toute son énergie à la conception d’un monument funéraire qu’il érige à Mentana, près de Rome, ville natale d’Antonia. Dessiné par l'architecte Paul Herbé et agrémenté de sculptures, cet ensemble architectural à sa mémoire devient pour l’artiste un projet obsessionnel, dans lequel le travail de deuil se mue en quête mystique, le portant vers des œuvres plus romantiques, où se mêlent l’image du corps féminin et celle de la mort. C’est dans ce cadre qu’il réalise cette monumentale Chevauchée, étreinte impossible qui évoque Orphée aux Enfers, à la recherche de son amour perdu. Elle est conçue après la disparition de sa muse, et résonne comme une course vers la nuit éternelle. Le titre, en écho à Sibelius ou Wagner, exprime tout le « lyrisme tragique » de l’art de Zwobada, lui-même violoncelliste et mélomane. Une œuvre dans laquelle il cherche la consolation – qu’il ne trouvera pas jusqu’à sa disparition en 1967. Dans ses carnets, Zwobada écrit ainsi en mai 1957 : « Cette œuvre, créée dans la rage et l’angoisse, poursuit sa réalisation avec toute la puissance de cette obsession qui m’habite. […] Elle ne me console pas, mais j’y trouve, en cherchant les formes, un apaisement, et l’action me fait vivre dans ce monde intérieur, et chasse en moi le désespoir. »

 

Cette œuvre, créée dans la rage et l’angoisse, poursuit sa réalisation avec toute la puissance de cette obsession qui m’habite. […] Elle ne me console pas, mais j’y trouve, en cherchant les formes, un apaisement, et l’action me fait vivre dans ce monde intérieur, et chasse en moi le désespoir.

Jacques Zwobada, 1957

 

Avant son installation spectaculaire sur la terrasse du niveau 5, la Chevauchée nocturne a passé de nombreuses années dans le jardin de la fille de l’artiste, à Fontenay-aux-Roses dans les Hauts-de-Seine. Avant de rejoindre le Centre Pompidou, elle a été minutieusement restaurée à la fonderie Coubertin à Saint-Rémy-lès-Chevreuse. Des mois de travail ont été nécessaires pour que l’œuvre retrouve sa patine verte. Chose rare pour un bronze d’une telle envergure (4 mètres 30 de long), l’œuvre fut fondue du vivant de l’artiste – par la fonderie milanaise Battaglia en 1963. Pour accueillir dans les meilleures conditions ce bronze dont le poids excédait la limite autorisée, un renforcement des éléments de la terrasse a été nécessaire, et des plaques de répartition ont été installées sous les dalles de granit du bassin. Il semble que La Chevauchée nocturne ait enfin trouvé le repos. ◼