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Les Pensionnaires

1971-1972

Annette Messager

Cette pièce est née d'un banal incident : en plein été, à Paris, chaussée de nu-pieds, j'ai marché sur un moineau mort. Cette sensation fut étrange, indescriptible, et je me suis dit : ces oiseaux, ils sont proches de nous mais on ne sait rien d'eux, pas plus qu'on ne connaît nos voisins, alors j'ai décidé de les apprivoiser, à ma manière. Il y a autant de méconnaissance entre ces oiseaux familiers et les êtres humains qu'entre un homme et une femme.*

Cette installation polymorphe est une œuvre majeure et fondatrice du travail d’Annette Messager. Elle réunit l’ensemble de ses pratiques et supports artistiques (collection, cahiers, animaux, dessins, planches, mise en scène) et révèle déjà le dédoublement de son identité (artiste/collectionneuse) qu’elle développera tout au long de sa carrière (femme qui sait tout faire, truqueuse, colporteuse). Les Pensionnaires, est un ensemble de 14 vitrines rassemblant des documents, textes et plans, et de 3 éléments muraux. Cette œuvre ne peut se dissocier de l’espace dans laquelle elle a été créée, à savoir l’appartement qu’occupait l’artiste à l’époque et qu’elle avait divisé en deux parties : l’atelier de l’artiste et la chambre de la collectionneuse. C’est dans cet univers intime, qu’Annette Messager décrit minutieusement dans ses cahiers la vie quotidienne de cette micro-société, dans laquelle elle se donne le rôle d’une maîtresse de pension de ses enfants-oiseaux qu’elle garde, protège et punit. Cette installation ne peut se comprendre sans le récit (fausse autobiographie fantasmagorique) qui l’accompagne et se divise en plusieurs chapitres : les cris des oiseaux, leur promenade, le bain de poussière, le repos, la punition. Proche du courant des « mythologies individuelles » Messager, avec cette mise en scène, évoque la condition humaine dans un entre-deux déconcertant, oscillant entre fantaisie et folie.

*Annette Messager, Le Repos des Pensionnaires, 1071-1972