Mes Vœux
1989
Annette Messager
Récemment, les séries que j’appelle Mes Vœux, des photos de fragments de corps d’hommes et de femmes mélangés gênent les spectateurs, parce qu’il a l’impression qu’il se regarde lui-même. Il devient voyeur de son propre journal intime.*
Cette installation est conçue comme un tondo, image ronde recomposée à partir de 263 éléments photographiques de fragments de corps humains masculins et féminins. La taille monumentale ainsi que la disposition singulière des images créent une expérience visuelle et émotionnelle intense, assimilant le regard du spectateur à celui du voyeur. Le cadrage serré apporte une dimension intime et le choix du noir et blanc offre une vision universelle du corps humain. Le titre Mes Vœux, tout comme l’accumulation de ces petits formats renvoient aux images d’ex- votos portant l’idée de désir et de promesse.
L’artiste a souvent puisé son inspiration dans les pratiques de dévotion populaire qui ornent les églises de compositions baroques et hybrides. La série Mes Vœux, qu’elle développe à partir de la fin des années 1980, joint cette référence à une réflexion plus vaste sur le corps, la sexualité, l’identité. En mélangeant des détails, souvent récurrents, prélevés sur des corps des deux sexes et de tous âges, Annette Messager questionne les fondements anthropologiques de la représentation, à la lumière des interrogations sur l’homme produites par l’histoire contemporaine comme par la psychanalyse. Le regardeur se trouve happé par ce reflet démultiplié de lui-même qu’accentue la grande dimension d’une installation, dont la présence physique, quasi sculpturale, n’est perceptible que dans le corps à corps de cette confrontation directe.
*Entretien avec Denis Angus, 1996