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Agnès Thurnauer

Portrait Grandeur Nature (Francine Bacon), 2007

 

Agnès Thurnauer

Série Portrait Grandeur Nature, 2007
Résine, peinture époxy, Diamètre : 120 cm
© Adagp, Paris
© Bertrand Prévost - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

L'œuvre

Initiée en 2005 et poursuivie jusqu’à ce jour, la série des Portraits Grandeur Nature d’Agnès Thurnauer ressemble à des capsules colorées lancées dans l’histoire de l’art pour la remanier, la rééquilibrer, la réajuster fictivement en imaginant que les « grands artistes » sont de sexe féminin. 
Le geste est très simple, mais relève néanmoins de l’analyse d’un fait langagier qui implique la prise de conscience de ce que les noms d’artistes sont implicitement genrés. Le fait même d’appeler fréquemment les grands artistes uniquement par leur nom de famille, révèle le présupposé que ce raccourci ne prête pas à confusion et que les grands artistes ne peuvent qu’être des hommes : nul doute que Matisse ou Picasso vont de pair avec des prénoms masculins. Et s’il y a une ambiguïté générationnelle, on accolera au nom de famille un « l’ancien », un « le jeune », plus récemment un « Junior ». 
L’intervention d’Agnès Thurnauer, à la fois joyeuse, voire jouissive, et subtile n’en est pas moins efficace pour bouleverser ces habitudes. En féminisant les prénoms d’artistes masculins, ses tableaux constituent une galerie de portraits de « grandes artistes » d’autant plus vraisemblables que les patronymes sont connus. Répondant à la philosophie nominaliste pour laquelle les noms se substituent dans notre esprit au réel, ces portraits sont réduits à l’écriture des noms et des prénoms des artistes hommes évoqués sur un fond coloré uni.
Ces tableaux ronds, en forme de tondo de la Renaissance, sont inspirés précisément de l’Autoportrait au miroir (1523-1524) du Parmesan (Kunsthistorisches Museum) qui donne l’illusion d’un reflet sur une surface convexe. Ils évoquent tout autant des badges géants, sur le modèle de ceux qu’elle avait créés pour la Biennale de Lyon en 2005. Culture savante et esthétique pop s’allient pour faire place aux artistes femmes.
Un ensemble des six tableaux a été acquis en 2009 par le Musée national d’art moderne, en amont de l’exposition « elles@centrepompidou ». 


Biographie

Diplômée de l’École supérieure des arts décoratifs de Paris en 1985, en section cinéma et vidéo, Agnès Thurnauer pratique la peinture depuis son enfance et affirme être une autodidacte.

Elle s’intéresse tout particulièrement au langage dans la peinture et à la peinture comme langage en cherchant à créer une tension entre mot et image. Par cet aspect, son travail peut être rapproché de l’art conceptuel, bien qu’Agnès Thurnauer reste attachée à la matière. Elle affirme militer pour ne pas sortir le concept de la matière et se sent plus proche de la peinture du Quattrocento. Son travail a été révélé au public par une exposition monographique au Palais de Tokyo en 2003. Avec la série des Matrices chromatiques commencées en 2017, Agnès Thurnauer confronte son travail pictural à la mise en espace dans la sculpture. L’artiste se nourrit d’influences artistiques qui traversent l’histoire de l’art depuis l’art pariétal jusqu’à Claude Monet, Édouard Manet, Joseph Beuys, Simon Hantaï, en passant par la poésie de Christophe Terkos et la chorégraphie de Boris Charmaz. 


Pour aller plus loin

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pour en explorer les détails


Entretien avec Agnès Thurnauer

réalisé dans le cadre de l'exposition « elles@centrepompidou », Centre Pompidou, 2009

Durée : 1h30