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Jazz

1943 - 1946

Henri Matisse

Ces deux collages appartiennent à la maquette du livre Jazz, publié par Matisse en 1947 en collaboration avec l'éditeur d'origine grecque, Tériade. La nature de ce travail, qui rassemble des planches colorées et des pages d'écriture, est rétrospectivement définie par Matisse à la fin de l'ouvrage : « Ces images aux timbres vifs et violents sont venues de cristallisations de souvenirs du cirque, de contes populaires ou de voyages. J'ai fait ces pages d'écriture pour apaiser les réactions simultanées de mes improvisations chromatiques et rythmées, pages formant comme un « fond sonore » qui les porte, les entoure et protège ainsi leurs particularités. » 
 
Le Clown et Le Lagon, placés respectivement en page de garde et à la fin de l'ouvrage – Jazz comporte en tout vingt planches –, relèvent en fait de deux étapes différentes. 
Le Clown, une des premières illustrations réalisées, peut-être même avant que le projet ne soit véritablement fixé, est encore proche, par ses découpages saccadés, de travaux antérieurs comme les Deux Danseurs, dont on retrouve le motif du corps aérien, en suspension. Cette planche est sans doute à l'origine du thème primitif du livre qui s'intitulait Le Cirque. En effet, les nombreuses figures appartenant à cet univers, Monsieur Loyal (Planche III), Le Cauchemar de l'éléphant blanc (Planche IV) ou encore L'Avaleur de sabres (Planche XIII), devaient initialement en constituer la teneur. 
 
Mais, au fur et à mesure de l'avancement de ses travaux, Matisse voit ressurgir les souvenirs de son voyage à Tahiti de 1930. Par exemple, il introduit des formes végétales exotiques dans ses scènes de cirque, comme dans Les Codomas (Planche XI) qui rend hommage à des trapézistes célèbres au début du siècle. Le mouvement de la découpe est de plus en plus continu, la lumière violente des feux de la rampe devient plus douce et diurne. 
Les trois dernières planches, consacrées au thème du lagon, expliquent le changement de titre de l'ouvrage au profit de Jazz qui ne décrit plus son contenu thématique, mais évoque plutôt l'improvisation et la vitalité qui ont présidé à son élaboration


De plus, le mot « Jazz » est graphiquement intéressant pour Matisse qui déclare en 1945 à Aragon : « Je sais maintenant ce que c'est qu'un J. » Car l'ouvrage contient aussi des textes qu'il rédige lui-même et recopie au pinceau, noir sur blanc, la calligraphie contre-balançant les planches colorées, constituant des sortes d'aphorismes « qu'on lira ou qu'on ne lira pas, mais qu'on verra… Comme une espèce d'emballage à mes couleurs », selon le témoignage de l'artiste


Pour aller plus loin

Présentation de l'exposition « Henri Matisse. The cut-outs »

Tate Modern, Londres, 17 avril-7 septembre 2014

Durée : 4'19

Vidéo, en anglais