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L'Aubade

4 mai 1942

Pablo Picasso

Avec L’Aubade, toile préparée à l’aide de nombreuses esquisses durant presque un an, Picasso reprend le thème classique de la sérénade, en s’inspirant en particulier de la Vénus écoutant de la musique du Titien, qu’il a pu voir lors de ses nombreuses visites au Musée du Prado de Madrid.

 

Mais, à ce thème, se superpose celui des conditions historiques dans lesquelles il travaille, la guerre et ses horreurs. À Paris, où, étant censuré, il se réfugie dans son atelier, l’Occupation impose le couvre-feu et menace toute liberté. C’est pourquoi dans cette toile un glissement s’opère.
Le salon de musique devient une chambre sombre, à la géométrie anguleuse qui évoque une atmosphère carcérale. Le corps de la Vénus, boursouflé, désarticulé et comme saisi de convulsions, s’apparente désormais à un gisant, contrastant avec le visage presque souriant de la joueuse de mandoline, qui apparaît moins comme une distrayante musicienne que comme un geôlier ou un tortionnaire.
L’impression de violence qui émane de cette toile et de ses multiples formes anguleuses est renforcée par l’éclairage violent que suggère l’opposition stridente des rares plages de couleurs vertes et violettes. Puis, la présence d’un cadre vide, en bas à droite, témoigne de la difficile position d’un peintre dans ce contexte. Seul un oiseau, à peine perceptible sur le corps de la musicienne, laisse entrevoir la persistance d’un espoir.

 
Après Guernica peint en 1937, cette toile, offerte par l’artiste au Musée national d'art moderne de Paris, exprime sa radicale opposition à la guerre.