De l’ordre nom de Dieu !

Les créateurs présentés dans cette séance semblent préoccupés par la nécessité de mettre de l’ordre dans le monde qui les entoure : créer des systèmes permettant la réunification d’éléments opposés, tisser des liens entre microcosme et macrocosme, maîtriser des événements politiques et économiques, ou encore vaincre des maladies… À l’encontre des artistes mainstream, qui se plongent dans leur psyché pour chercher l’inspiration dans le chaos, les artistes d’art brut rassemblent les signes du monde extérieur, qu’ils tentent de contrôler en établissant un nouvel ordre dont ils sont les seuls maîtres imaginaires. Les créateurs d’art brut semblent ainsi fusionner leurs histoires personnelles avec celle du monde entier ; ils réussissent à supprimer les frontières entre leur vie privée et l’histoire, mais aussi entre la fiction et le document, dans un gigantesque montage d’images et de textes aux statuts les plus divers. Telle serait peut-être l’une de leurs particularités : « sauver le monde, une façon plus ou moins métaphorique de se sauver soi-même ».*

« Bâtir » plutôt que « construire », c’est-à-dire lier des éléments hétérogènes, plutôt que des morceaux parfaitement lisses ou semblables, afin d’affirmer sa place dans le monde. Nos tentatives de compréhension se confrontent à une difficulté majeure : celle de la particularité des associations opérées par ces auteurs, dans lesquelles les temporalités et les significations se superposent. Les films présentés essaient de rendre compte de la complexité de ces créations. Barbara Safarova

*Jean Oury, Création et schizophrénie, Paris, Galilée, 1989, p. 50