Of Anarchy in Music

Le titre « De l’anarchie dans la musique » est à la fois délibérément anachronique et envisagé sous l’aspect d’une nouvelle actualité. Il est emprunté à un essai peu connu du compositeur Germano-Russe Thomas von Hartmann, ami et collaborateur de Vassily Kandinsky, paru dans L’Almanach du Blaue Reiter publié par ce dernier à Munich en 1912. Cette anthologie regroupait des réflexions et des propositions d’artistes, compositeurs et poètes autour de l’idée d’une destruction et d’un décloisonnement des systèmes surannés de l’art. Adepte de l’atonalité et du microtonalisme, Hartmann y revendiquait la pertinence de « sons cacophoniques », affirmant que « toute combinaison de sons, toute séquence de combinaisons de tons est possible » pourvu qu’elle réponde à une « nécessité intérieure » pour l’artiste, faisant fi des codes hérités de l’harmonie classique. Par-delà les causes de la modernité du premier 20^e siècle, l’inspiration des idées anarchistes traverse l’histoire, dans toutes les régions du monde, et trouve aujourd’hui de nouvelles résonances.

« Of Anarchy in Music. More Journeys in Sound » suit un fil principal en relation avec ce modèle politique : l’idée que toute organisation, tout agencement est temporaire et construit pour lui-même des règles provisoires comme stratégie pour transcender les structures dominantes. Penser une forme émancipatrice d’organisation, comme le suggère l’anthropologue David Graeber, pourrait faire appel à une « microthéorie », c’est-à-dire « une façon d’aborder les questions concrètes et immédiates qui émergent d’un projet de transformation. »

Les huit séquences de l'exposition tournent autour des questions posées par le médium sonore, qu’elles aient trait aux pouvoirs transformateurs de la technologie, à la remise en jeu des formes et des cultures musicales héritées, aux pratiques d’investigation acoustique et à leur adresse au domaine légal. Les artistes se déplacent aujourd’hui de manière fluide, du concert à l’installation, du field recording et du sampling aux IA génératives, des protocoles conceptuels à des formes inédites de mise en scène et de narration. Sans vouloir catégoriser leurs expériences, le rythme de ces huit séquences demeure une partition ouverte.