Exposition / Musée
Jean-Jacques Lebel
L'Outrepasseur
30 mai - 3 sept. 2018
L'événement est terminé
L’exposition inédite que consacre le Centre Pompidou à Jean-Jacques Lebel réunit une cinquantaine d’œuvres et de nombreux documents d’archives. « Peintre de la transversalité » selon son ami Félix Guattari, Jean-Jacques Lebel (né en 1936) développe depuis les années 1950 une inclassable pratique. À la fois artiste et activiste, auteur de happenings et organisateur d’événements, écrivain et éditeur, il est en France l’un des plus importants « passeurs » de la seconde moitié du 20ème siècle.
Quand
11h - 21h, tous les jours sauf mardis
Où
Entretien entre l'artiste et le commissaire d'exposition
Nicolas Liucci-Goutnikov - L’exposition que le Centre Pompidou te consacre ouvre très précisément cinquante ans après la fin des événements de mai 1968. Quel regard portes-tu sur cette fausse coïncidence ?
Jean-Jacques Lebel - Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale d’un gouvernement Pompidou pas vraiment « révolutionnaire », a fait preuve de lucidité en qualifiant le mouvement de Mai de « vaste happening ». Il contredisait donc vertement les idéologues Travail-Famille-Patrie pour qui « en Mai 68 il ne s’est rien passé ». Au royaume des aveugles, les borgnes sont ministres. Par conséquent ce n’est pas tout à fait un hasard si le Centre Pompidou me consacre une exposition coïncidant avec le cinquantenaire de ce qui fut pour des millions de dissidents, moi compris, l’expérience vécue la plus intense de toutes. Soyons francs : cette exposition au périmètre limité, qui annonce mon quatre-vingt-deuxième anniversaire, vient en contrepoint, sinon en radicale antithèse à toute commémoration étatique, par définition funèbre, à l’instar du « couteau sans lame auquel il manque le manche » de Lichtenberg, le philosophe des Lumières qui porte mes couleurs. Car, évidemment, il y a incompatibilité irréductible entre l’historique soulèvement socio-culturel de Mai et quelque institution muséale officielle que ce soit.
NlG - C’est à toi que l’Europe doit ses premiers happenings. Quelle était leur signification dans le contexte des années 1960 ?
JJl - Les happenings organisés en Europe, dans les années précédant Mai 68, par mes amis et moi, contrairement à ceux de nos correspondants d’outre-Atlantique, se sont soulevés contre l’ordre moral, contre la dictature de la marchandise, contre toute autocensure en matière de sexe et de politique. Nous avons tourné le dos au marché de l’art et à tout académisme, fût-il « engagé ». Nous voulions dire et faire autre chose, autrement. Et nous l’avons fait.
NlG - Les happenings sont-ils nés comme un prolongement de ton œuvre plastique, marquée par le dadaïsme et le surréalisme ?
JJl - Plasticien ? Cinéaste ? Écrivain ? Critique social ? Organisateur de festivals internationaux autonomes ? Concepteur de montrages polytechniques ? Peu importe ce qui est inscrit sur la fiche de police dès lors qu’il s’agit d’activités trans-professionnelles qui subvertissent la loi de l’offre et de la demande et l’excédent de par leur finalité rhizomique débordante.
Source :
in Code Couleur, n°31, mai-aout 2018, pp. 12-13.