Les Rendez-vous du Forum

Confiée à différents acteurs de la jeune création, la programmation des

Rendez-vous du Forum alterne des "sessions" inventées librement par les artistes et commissaires, ainsi que et des explorations des Collections et des archives audiovisuelles du Centre Pompidou, intitulées "Voir/Revoir".

REPETITION ISLAND

UNE PROPOSITION DE RAIMUNDAS MALASAUSKAS

Le curator d'origine lituanienne Raimundas Malasauskas propose de répéter chaque jour le scénario d'une journée idéale. Une succession de rendez-vous impertinents (paroles, performances, diffusions sonores, projections en tout genre), se déploie tout au long de la journée selon un mode préétabli.

Avec les artistes

Pierre Bismuth, Lorenzo Cirricione, Géraldine Longueville, Ana Prvacki, Michael

Portnoy, Manon de Boer, Aaron Schuster, Marcos Luytens, Rosalind Nashashibi,

Gintaras Didziapetris, Gabriel Lester, Morten Norbye Halvorsen, Audrey Cottin,

Sam Durant, Raphaël Siboni et Fabien Giraud, Benjamin Seror et Adva Zakai

Biographie

Né en 1973 à Vilnius (Lituanie), Raimundas Malasauskas est commissaire d'expositions et écrivain. Après avoir été, entre autres, de 1995 à 2006, curator au Centre d'art contemporain de Vilnius, alors qu'émergeait l'une des scènes artistiques les plus captivantes, il vit aujourd'hui entre Paris et San

Francisco.

Son travail, placé sous la double invocation du légendaire Showman Barnum, et du non moins légendaire operateur (lituanien) de Fluxus, Georges Maciunas, explore les questions de la production d'événements et de la "télé-action", et articule les perspectives parallèles de la science, des médias, du cinéma, de la littérature et de la culture de masse. A Vilnius, il a, de 2004 à 2006, coproduit CAC-TV, également connue sous le nom de "chaque émission est un pilote, chaque émission est l'épisode final". En 2007-2008, il est intervenant au sein du programme doctoral d'études curatoriales à C.C.A., San Francisco.

Avec Aaron Schuster, il est l'auteur du livret de l'opéra "En presque un acte"

: Cellar Door, développement musical de l'exposition de Loris Gréaud au Palais de Tokyo en 2008. En 2009, il est l'invité d'Artists Space, à New York.

Programme

11h - 12h - Morten Norbye Halvorsen: hier est rejoué, demain est pré-enregistré, aujourd'hui résonne

12h - Benjamin Seror: savez-vous où vous êtes et pourquoi vous êtes là?

11h30 - 12h30- Ana Prvacki: à la recherche de l'accord parfait (Wandering Band)

12h30 - Cours de philosophie élémentaire par Lorenzo Cirrincione, avec ses étudiants. Vous êtes priés d'arriver à l'heure si vous souhaitez assister au cours.

14h - 16h - Géraldine Longueville et ses étudiants produisent une œuvre d'art collective (avec Nicolas Carrier, Luc Kheramand, Gloria Maso, Flora Moscovici, Laura Porter, Sébastien Rémy, Nicholas Vargelis, Cyril Verde)

14h - Sam Durant : comment expliquer l'anarchisme à mon enfant ?

15h - 15h30- Ieva Miseviciute et Michael Portnoy : l'obstination dans l'art, de 1860 à nos jours, histoire performée en trente minutes

16h - 17h - Manon de Boer: "Sylvia Kristel-Paris" - film (en anglais)

17h10 - 17h25 - Audrey Cottin: le Paris Clapping Group donne un concert d'applaudissements et vous invite à y participer

17h30 Michael Portnoy/ Fabien Giraud et Raphaël Siboni : trahison et secrets révélés, conférence en français et en anglais

18h30 - 19h - Adva Zakai : danse de plateforme - performance (en anglais)

19h - 20h30 « Hypnotic Show » avec Marcos Lutyens en Petite Salle: les visiteurs sont invités à vivre une exposition virtuelle par hypnose (en français et en anglais)

19h - 20h L'éternuement et la punition (Sneeze and Punishment) conférence illustrée, par Aaron Schuster

19h45- 20h30 - Gabriel Lester reçoit l'invité surprise du jour (en français et en anglais)

20h20 Gintaras Didziapetris et Rosalind Nashashibi : apparitions masquées.

20h30 - 21h Géraldine Longueville et Benjamin Seror tentent de terminer la journée par un karaoké de Without a Song, dans sa version chantée par Frank Sinatra

"Without a song a day would never end" - "Sans une chanson, une journée ne finirait jamais".

Et également :

Gabriel Lester en superviseur de continuité, présences furtives de Michael

Portnoy et d'Audrey Cottin.

Extrait de l'interview avec Raimundas Malasauskas par Jean-Marie Gallais, Direction du développement culturel, Centre Pompidou

À Repetition Island, la journée commence à la mi-journée. Sans prévenir, elle se transforme en un scénario live permanent dans lequel se mêlent exercices et tentatives de cohabitation. "La journée est notre médium, l'espace est notre terrain d'expérimentation" déclare Mardi, l'habitant de Repetition Island, qui tente de gommer la ligne de partage entre répétition générale et spectacle.

"Peut-être le dernier jour ressemblera-t-il au premier jour tel que celui-ci aurait voulu être" explique-t-il.

R.M.

Comment est née cette idée d'une journée qui se répète elle-même chaque jour ?

(...)Cela faisait un an environ que j'avais cette idée d'organiser un événement sur toute une journée. Je venais alors de monter Clifford Irving Show, un spectacle de variétés en live sur scène qui durait presque 4 heures (...) J'ai pensé qu'il était plus intéressant de s'immerger dans une expérience de ce type... D'où l'idée d'imaginer une journée entière qui se répète chaque jour.

Puis l'année dernière, j'ai fait Hypnotic Show, pendant deux nuits d'affilée à

Amsterdam et à Paris, j'ai remarqué que la répétition était un phénomène intéressant (...).

Comment est conçu le calendrier de la journée, le script et sa relation au temps ?

Je pense que la journée, en tant qu'unité d'expérience ou de vie, est quelque chose de tout à fait fondamental. Ne dites-vous pas en français : "À chaque jour suffit sa peine" ? Imaginez juste un instant une anthologie d'histoires d'un jour et de films qui se dérouleraient sur une seule journée... Avec les artistes de ce projet, nous avons essayé d'aborder la journée comme une unité de production et d'expérience. Cela ne veut pas dire que la journée doit systématiquement se dérouler en une séquence ininterrompue d'actes successifs, je serais plus enclin à voir la journée comme un espace flottant où des choses apparaîtraient ou disparaîtraient. Une journée, c'est comme un éther ou flux dans lequel on peut découvrir quelque chose.

Dans le Forum, le public peut rester sur place ou simplement passer ou encore venir tous les jours, c'est ça qui vous intéresse ?

Je voulais organiser une journée entière dans laquelle chacun pourrait s'immerger et ne pas craindre de rater quelque chose. Donc, si aujourd'hui vous avez raté le Nu descendant l'escalier

Enfin, si vous avez raté quelque chose qui ne dure qu'un bref instant, tel un flash, mais qui faisait partie du script, vous voudrez peut-être revenir le lendemain pour le voir.

Comment avez-vous écrit le script ?

En assemblant des moments et des chevauchements en une séquence qui aura, nous l'espérons, son propre rythme et ses propres surprises. Peut-être que l'on voudra répéter quelque chose qui s'est passé la veille ou au contraire, éviter ce quelque chose. Le script est une prémisse de précision. J'ai très peur que quelqu'un qui serait venu hier ne revienne le lendemain et ne remarque la différence !

Day one, Day one était le premier titre de ce projet, le deuxième était Mardi, comme le jour de relâche avant et après votre spectacle. ensuite, C'est devenu Repetition Island, un nom emprunté au titre du premier film long de Benoît Maire.

C'était très sympathique de la part de Benoît de partager le titre. Mardi est un personnage. Vous vous souvenez de Vendredi, que Robinson Crusoé avait rencontré ? Et bien c'est pareil, Mardi est l'habitant de Repetition Island.

Mardi est aussi le jour de fermeture du Centre Pompidou. C'est également le nom de l'île dans le roman de Melville du même nom. Et plus encore : récemment, Kevin Killian m'a montré un article de Milton Reigelman intitulé Melville's Mardi as Literary Pompidou Center !

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce scénario idéal pour le Forum ?

Le Forum, pour Repetition Island, un peu à la manière d'une aire de pique-nique, donne l'illusion d'un spectacle tout en demeurant un lieu efficace et pratique ; il est comme un film, voire une scène de reality show dans lesquels s'entrecroisent itinéraires et gestes routiniers.

La banalité, le spectaculaire ou le didactique s'effacent au profit d'une autre forme de subjectivité. Souligné par la scénographie de Quelque chose en moins, quelque chose en plus de Pierre Bismuth, cet espace évoque aussi quelque chose de l'esprit du toit de La Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille.

Une suite chorégraphiée d'événements nous entraîne tout au long de la journée dans la simultanéité, les intervalles, les fondus enchaînés, les chevauchements et même les confrontations : aussitôt terminé, un cours de philosophie de

Lorenzo Cirrincione est remplacé par une danse d'Adva Zakai. La projection d'un film sur Sylvia Kristel par Manon de Boer surgit au beau milieu d'une conversation avec un invité inattendu, qui porte les masques de Rosalind

Nashashibi et Gintaras Didziapetris. L'odeur d'un personnage se mélange aux sons des instruments que l'on accorde (Ana Prvacki). Michael Portnoy et Ieva Miseviciute surfent sur les prémisses d'une définition de l'art de l'obstination (Obdurance Art). Sam Durant explique les fondements de l'anarchisme à sa fille, tout en lui donnant à manger. Sous la direction de Marcos Lutyens, un public hypnotisé vient de quitter la planète Terre ; il s'y retrouvera bientôt grâce à la maquette du Forum de Benjamin Seror. Un spectateur vient de participer au groupe d'applaudissements d'Audrey Cottin ; il prend soudain le rôle de Mardi en toute liberté. On ne sait si c'est Audrey qui a dessiné un nouveau cercle sur le sol à la craie, ou si c'est l'un des étudiants de Géraldine Longueville... "Allons-y, et commençons où nous avons commencé hier" déclare Aaron Schuster, "Oh, on a déjà entendu ça" dit quelqu'un dans le public, qui ressemble à l'un des acteurs engagés pour jouer le rôle d'un spectateur ; une pause de Gintaras Didziapetris est prise en otage par un visiteur endormi, Gabriel Lester fait tourner une table à la vitesse de la nuit qui s'approche, les machines de Morten Norbye Halvorsen enregistrent tout ce qui est en train de se passer ; elles le rejoueront avant ou après. Géraldine Longueville et Benjamin Seror chantent la chanson de Frank Sinatra, Without a Song (...a day would never end) [sans une chanson, une journée ne finirait jamais]. La nuit tombe, Repetition Island ferme ses portes. Le lendemain, le spectacle recommence à la même heure, reprenant le même scénario et tout ce qui s'est accumulé. Il en est ainsi pendant six journées consécutives.

Repetition Island, est-elle une œuvre d'art collective ?

(...) Compte tenu de ce que je sais de certaines personnes impliquées et de ce type de structure, je peux pressentir vers quoi tendra cette entreprise. Sans aucun doute, elle aura sa propre synergie, qui dépendra des forces apportées par chaque individualité. Mais on ne peut pas en prévoir l'issue.

Peut-être que cette synergie très particulière pourrait être vue comme un mode ultime de cette réalisation artistique collective.

(...)

Vous dites que si Repetition Island avait été un tableau, cela aurait été "Le déjeuner sur l'herbe" de Manet, est-ce exact ?

Après avoir visité l'espace à plusieurs reprises, j'ai remarqué autre chose : le Forum du Centre Pompidou fonctionne comme la « fosse d'orchestre » du bâtiment. Vous entendez les sons qui en émanent et ensuite vous regardez à l'intérieur et vous découvrez tout l'ensemble. Avec Repetition Island et les prochaines activités dans le Forum, la « fosse d'orchestre » devient l'opéra !